Le milliardaire Beny Steinmetz, des mines d’Afrique aux ­prétoires de Genève

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L’israélien sort d’un long silence médiatique alors qu’il est jugé en appel, en Suisse, à partir du 29 août. Il défend sa probité, alors qu’il risque la confirmation d’une peine de cinq ans de prison ferme pour corruption en Guinée.
Il n’a pas vraiment le charisme avec lequel se bâtissent les légendes. Le quotidien israélien Haaretz l’avait pourtant nommé un jour « Beny Bond », intrigué par ses rotations en jet privé à travers le monde. « Vous vous attendiez à quoi ? », semble interroger Beny Steinmetz, 66 ans, assis dans une tenue sobre et décontractée qui a dû faire l’objet de savantes évaluations avant l’entrée en scène. C’est donc avec des mocassins en daim sans chaussettes, un pantalon chino dans les tons clairs et une chemise blanche ouverte que Beny Steinmetz a accepté de rompre un silence de plus d’une décennie avec des médias avec lesquels il ne voyait pas l’intérêt de cultiver la proximité, « sans doute l’une de mes plus grandes erreurs jusqu’ici ». Car voilà, l’homme risque gros.
Lundi 29 août, la cour d’appel de Genève a repris le dossier qui lui a valu, en janvier 2021, une condamnation à cinq ans de prison ferme et une amende de 50 millions de francs suisses (46 millions d’euros), pour ­corruption d’agents publics en Guinée. Au début des années 2010, il avait obtenu le permis d’explorer le gisement de fer de Simandou, la plus grosse mine au monde encore inexploitée. La justice helvétique avait été saisie en raison de soupçons de transactions frauduleuses via Genève.
Chez la nièce du premier ministre grec
Le rendez-vous n’a pas lieu dans sa résidence de Tel-Aviv, que l’on dit être l’une des plus chères d’Israël. Pas non plus sur le yacht qui mouille en été dans les eaux turquoise des îles égéennes et dont il sera impossible de connaître le prix. Après beaucoup d’échanges entre ses nombreux conseillers, la rencontre est fixée au creux du mois d’août au domicile athénien de sa principale communicante, Alexia Bakoyannis, qui est aussi la nièce du premier ministre Kyriakos Mitsotakis et la sœur du maire d’Athènes. A ce niveau-là, les connexions ne sont jamais un hasard : « J’ai eu des affaires en Grèce, comme dans des dizaines d’autres pays. »
« L’argent en soi ne m’intéresse pas, même si j’ai conscience que cela peut paraître une platitude de l’affirmer quand on est dans ma situation. » Beny Steinmetz
Beny Steinmetz démarre son autoportrait en évacuant les clichés : pas d’alcool, pas de fêtes, pas de bling-bling, pas de people, pas de garde du corps. Il préfère « marcher incognito dans la rue. Ma voiture a 15 ans. Je n’ai jamais été attiré par la lumière, par la politique ou la publicité autour de ma personne, parce que la vie me semble plus facile ainsi. Ma seule addiction, c’est la famille, mes quatre enfants et mes quatre petits-enfants. L’argent en soi ne m’intéresse pas, même si j’ai conscience que cela peut paraître une platitude de l’affirmer quand on est dans ma situation. »
Benyamin Steinmetz naît en 1956 à Netanya, en Israël, d’un père juif polonais qui a quitté l’Europe centrale en 1929 pour s’établir à Anvers avant d’émigrer en Palestine sept ans plus tard : « Il venait d’un shtetl proche de la frontière hongroise, toute la famille travaillait dans la petite industrie du bois, dans les Carpates. Il avait huit frères et sœurs, des juifs orthodoxes, très croyants. Eux sont ­restés sur place, ils ont tous été engloutis par la Shoah. J’en ai tiré une morale un peu paradoxale : le seul à s’en être sorti était le moins pratiquant. »
Nombreuses sociétés offshore
Après les trois ans d’armée réglementaires en Israël, Beny Steinmetz s’installe à Anvers pour mener une carrière de diamantaire, comme son père. Très vite, il devient le plus gros acheteur de pierres pour le groupe sud-africain De Beers, leader mondial du secteur. Il est partout où sortent les gemmes : Afrique du Sud, Angola, Sierra Leone, Liberia.
Au début des années 1990, sa fortune faite, Beny Steinmetz se lance un nouveau défi. « J’avais besoin d’autre chose, de voir plus grand, se souvient-il. Les affaires me stimulent et j’en flairais partout, je crois avoir un certain talent pour ce genre de choses. » Il s’installe à Tel-Aviv, prospecte, et prospère, encore. Ce seront les mines de matières premières (cuivre, nickel, manganèse) en Afrique, mais pas seulement. L’immobilier, jusqu’en Russie, l’énergie, le pétrole, le marché de l’art. Au fur et à mesure des conquêtes, les jalousies grandissent, c’est en tout cas sa version des faits.
Le groupe qu’il monte, BSGR (pour Beny Steinmetz Group Resources), devient un acteur majeur sur le continent africain, mais un joueur modeste comparé à ses concurrents comme le britannique Rio Tinto ou le brésilien Vale. Structures juridiques ­compliquées et opaques, BSGR apparaît dans les « Panama Papers », qui pointent ses nombreuses sociétés offshore. Beny Steinmetz ­précise. « Nous avons eu des sociétés offshore, pas panaméennes d’ailleurs, comme beaucoup de grands groupes. Mais toujours dans le cadre de ce que permettent les dispositions légales et 100 % déclarées. »
Affaire à tiroirs
Et si on passait aux choses désagréables ? En 2012, dans un rarissime entretien (au Financial Times), n’avait-il pas affirmé qu’il fallait parfois savoir « se salir les mains » pour réussir en affaires ? « Cette phrase malheureuse continue à me jouer des tours. En hébreu, ça veut dire “travailler dur”. Je voulais dire qu’il faut travailler beaucoup, se rendre sur place et mettre les mains dans le cambouis, car on ne peut pas mener de nouvelles opérations en Afrique depuis un bureau d’affaires climatisé. »
Selon lui, l’origine de cette affaire à tiroirs qui lui vaut de se retrouver devant les tribunaux ou les cours ­d’arbitrage a un nom : George Soros, le célèbre milliardaire américain philanthrope d’origine hongroise, le spéculateur nonagénaire qui redistribue d’une main en soutenant la démocratie un peu partout dans le monde ce qu’il a gagné de l’autre avec ses hedge funds. « Il a juré ma perte car il a des griefs personnels contre moi depuis des années. »
Pour comprendre, il faut remonter à 1998. Cette année-là, Soros et Steinmetz sont concurrents dans deux groupes différents ­d’oligarques russes et d’investisseurs étrangers qui se disputent la privatisation en Russie de Svyazinvest, une holding qui détient le premier opérateur de téléphonie mobile du pays. Soros l’emporte, mais, six mois plus tard, c’est le krach financier russe et il laisse 1 milliard de dollars dans l’affaire.
Ils s’accusent mutuellement de diffamation
« Soros prétend que je me suis gaussé de ses mésaventures dans la presse israélienne, dit Steinmetz. Notre inimitié date de là, même si elle n’est alimentée que par lui. En vérité, il déteste que je sois un Israélien patriote, comme nous le sommes tous en Israël. Je suis sioniste alors que lui ne rate pas une occasion de décrier l’Etat hébreu et sa politique. Il serait généreux alors que je ne le serais pas, or j’ai doté mes œuvres caritatives de 90 millions de dollars en faveur d’enfants de toutes origines. » Des années que cette guéguerre dure, les deux hommes échangeant les libelles et s’accusant mutuellement de diffamation.
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Concrètement, plusieurs ONG liées à la galaxie Open Society, la principale fondation de George Soros qui soutient les droits de l’homme et la transparence dans les industries extractives, ont Beny Steinmetz et ses sociétés dans le collimateur. La dénonciation initiale aux autorités genevoises vient de là.
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« C’est Soros qui a prétendu que j’aurais corrompu les Guinéens pour obtenir les droits de la mine de Simandou, alors que nous les avons obtenus sur la qualité de notre projet et sur les bénéfices économiques qu’il aurait apportés à la Guinée. Il est le chef d’orchestre d’une campagne faisant de moi un cas d’école de la corruption en Afrique. C’est faux et c’est injuste. Je me sais innocent et nous allons le prouver en appel », affirme Beny Steinmetz avant de conclure que, jusqu’ici, son unique lien avec la justice se limitait à une amende de parking à Tel-Aviv.
En attendant le verdict, l’ONG Public Eye, qui ausculte les mœurs de la place financière suisse, se réjouit que « la justice ait enfin sous les yeux toutes les ramifications d’une affaire emblématique de la grande corruption internationale dont Genève est trop souvent le centre névralgique ».
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