2 750 tonnes de nitrate d’ammonium non sécurisées auraient provoqué les déflagrations dans le port de Beyrouth. Des milliers de personnes sont blessées.
Deux fortes explosions ont secoué mardi 4 août 2020 la capitale libanaise Beyrouth, au-dessus de laquelle s’est elevé un épais nuage de fumée. Les déflagrations ont été entendues dans plusieurs secteurs de la ville. Elles auraient été provoquées par 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium non sécurisées stockées au niveau du port, a annoncé le Premier ministre Hassan Diab. Le dernier bilan serait d’au moins 100 morts et plus de 4 000 blessés a indiqué mercredi la Croix-Rouge libanaise. « Nos équipes poursuivent leurs recherches et opérations de secours dans les zones environnantes », a ajouté l’organisation dans un communiqué. Les hôpitaux de la capitale, déjà confrontés à la pandémie de Covid-19, sont saturés.
De 250 000 à 300 000 personnes se retrouvent sans domicile mercredi à Beyrouth, a indiqué le gouverneur de la capitale Marwan Abboud, estimant le coût des dommages à plus de trois milliards de dollars. « J’ai fait un tour dans Beyrouth, les dommages peuvent s’élever à entre trois et cinq milliards de dollars », a indiqué à l’Agence France-Presse le gouverneur, précisant toutefois qu’il attendait une évaluation des experts et des ingénieurs. « Près de la moitié de Beyrouth est détruite ou endommagée », a-t-il estimé
La capitale libanaise, déclarée ville « sinistrée », s’est réveillée sous le choc, après ces explosions d’une telle puissance qu’elles ont été enregistrées par les capteurs de l’institut américain de géophysique (USGS) comme un séisme de magnitude 3,3. Dans l’épicentre de l’explosion, dont le souffle a été ressenti jusque sur l’île de Chypre, à plus de 200 kilomètres de là, le paysage reste apocalyptique : les conteneurs ressemblent à des boîtes de conserve tordues, les voitures sont calcinées, le sol jonché de valises et de papiers provenant des bureaux avoisinants, soufflés par l’explosion. Même des Casques bleus ont été grièvement blessés à bord d’un navire amarré dans le port, selon la mission de l’ONU au Liban. Des secouristes, épaulés par des agents de sécurité, ont cherché toute la nuit des survivants ou des morts coincés sous les décombres.
Jour de deuil national
Le Premier ministre Hassan Diab a décrété mercredi jour de deuil national et a promis que les responsables devraient « rendre des comptes ». Le gouvernement pointe du doigt une cargaison de nitrate d’ammonium stockée « sans mesures de précaution » sur le port. « Il est inadmissible qu’une cargaison de nitrate d’ammonium, estimée à 2 750 tonnes, soit présente depuis six ans dans un entrepôt, sans mesures de précaution. C’est inacceptable et nous ne pouvons pas nous taire », a déclaré le Premier ministre devant le Conseil supérieur de défense, selon des propos rapportés par un porte-parole en conférence de presse.
Le nitrate d’ammonium, substance qui entre dans la composition de certains engrais, mais aussi d’explosifs, est un sel blanc et inodore utilisé comme base de nombreux engrais azotés sous forme de granulés, et a causé plusieurs accidents industriels dont l’explosion de l’usine AZF à Toulouse, dans le sud-ouest de la France, en 2001
Envoi d’aide par Paris
De nombreux pays ont proposé de l’aide au Liban, notamment la France qui envoie mercredi plusieurs tonnes de matériel sanitaire. Le président Emmanuel Macron a annoncé sur Twitter l’envoi d’un détachement de la sécurité civile et de « plusieurs tonnes de matériel sanitaire » à Beyrouth. Les États-Unis ont également proposé leur aide, ainsi que l’Allemagne, qui compte des membres du personnel de son ambassade à Beyrouth parmi les blessés.
Même Israël a proposé soir « une aide humanitaire et médicale » à son voisin libanais, avec lequel il est techniquement toujours en guerre. Mardi, une première explosion a été entendue à Beyrouth, agglomération de quelque deux millions d’habitants, suivie d’une autre, très puissante, qui avait provoqué un gigantesque champignon dans le ciel. Les immeubles avaient tremblé et les vitres avaient été brisées à des kilomètres à la ronde. Dans les rues de Beyrouth, des soldats avaient évacué des habitants abasourdis, certains couverts de sang, tee-shirt autour du crâne pour panser leurs blessures, tandis que des habitants cherchaient désespérément leurs proches manquant à l’appel. « C’était comme une bombe atomique. J’ai tout vu (dans ma vie), mais rien de tel », a témoigné Makrouhie Yerganian, un professeur à la retraite qui vit depuis plus de 60 ans en face du port.
Ce drame survient alors que le Liban connaît sa pire crise économique depuis des décennies, marquée par une dépréciation monétaire inédite, une hyperinflation, des licenciements massifs et des restrictions bancaires drastiques. Le 14 février 2005, un attentat spectaculaire provoqué par une camionnette bourrée d’explosifs avait ciblé le convoi de Rafic Hariri, le tuant ainsi que 21 autres personnes et faisant plus de 200 blessés. La déflagration avait provoqué des flammes hautes de plusieurs mètres, soufflant les vitres des bâtiments dans un rayon d’un demi-kilomètre. Vendredi, le Tribunal spécial pour le Liban (TSL), basé au Pays-Bas, doit rendre son verdict dans le procès de quatre hommes, tous membres présumés du puissant mouvement libanais Hezbollah, accusés d’avoir participé en 2005 à l’assassinat de Rafic Hariri.
Source AFP