Avenir de la grande coalition, relance du couple franco-allemand, relations internationales… Le programme sera chargé pour Angela Merkel.
Avant de présenter ses bons vœux à ses concitoyens pour la nouvelle année, Angela Merkel a tenu à s’excuser auprès d’eux pour 2018, cette année de grande instabilité politique : « D’abord, nous avons mis beaucoup de temps à former un gouvernement et, une fois celui-ci en place, nous avons passé beaucoup de temps à nous chamailler et à nous préoccuper de nos propres problèmes. » Angela Merkel affirme avoir bien entendu le message des urnes. Les élections régionales se sont soldées par une débâcle électorale après l’autre pour la CDU, la CSU et le SPD, les trois partis de la grande coalition qui gouverne à Berlin. En 2019, la chancelière demande donc à tous ceux qui sont aux affaires de faire des efforts pour rétablir le calme et la cohésion dans le pays. Ce sera d’ailleurs sa dernière mission. Angela Merkel a répété qu’elle ne se représenterait plus aux prochaines élections. « La démocratie, rappelle-t-elle, vit de l’alternance. »
Angela Merkel va-t-elle réussir à stabiliser sa grande coalition en 2019 ?
La grande coalition CDU-CSU-SPD est en place depuis pas tout à fait un an et rien n’indique que cet attelage si difficile va tenir la route durant l’année à venir. Plusieurs échéances électorales pourraient s’avérer fatales. D’abord les européennes du mois de mai. Si le SPD enregistre une fois de plus un score catastrophique, cela apportera de l’eau au moulin de ceux qui, au sein du parti, pensent depuis longtemps déjà que la social-démocratie ne peut se refaire une santé que si elle réintègre les rangs de l’opposition. Or en cas d’implosion de la grande coalition, de nouvelles élections devraient être organisées.
Trois autres rendez-vous électoraux sont prévus à la fin de l’été et à l’automne en Saxe, dans le Brandebourg et en Thuringe. Dans ces trois Länder de l’est, les populistes de l’AfD risquent de cartonner une fois encore. L’AfD talonne de près la CDU dans les sondages. Les populistes pourraient même devenir la première force politique.
L’économie est en pleine forme, les caisses de l’État sont pleines, le chômage à la baisse… Comment se fait-il que les Allemands soient si mécontents ?
Cette question n’a pas fini de perturber les politologues. La peur diffuse du déclassement social, de la perte progressive des acquis, de l’immigration… Tout cela joue un rôle majeur. Autre facteur : à force de passer des mois à se chamailler en public, la grande coalition a fini par donner l’impression qu’elle ne s’est jamais mise en travail. Or, rappellent les analystes à Berlin, nombreux sont les dossiers qui ont progressé. En ce début d’année, les caisses d’assurance publiques vont baisser leur cotisation, les allocations familiales vont augmenter de dix euros par enfant à partir du mois de juillet et 13 000 emplois vont être créés dans le domaine des soins pour les personnes dépendantes. À Angela Merkel et à ses ministres de faire passer un message plus positif.
La relation franco-allemande va-t-elle être revigorée ?
Emmanuel Macron a beaucoup perdu de son éclat en Allemagne. Pour beaucoup d’Allemands, la France est redevenue ce pays englué dans ses conflits sociaux, incapable de se réformer, gouvernée par un président pieds et poings liés. Angela Merkel, reconnaissent de nombreux commentateurs, a loupé le coche : elle aurait dû dès le début tendre la main au nouveau président français et répondre à son grand projet pour la relance de l’Union européenne. Partisane d’une « Union européenne plus forte et en mesure de prendre des décisions », la chancelière allemande va avoir du mal, quelques mois avant les européennes du mois de mai, à relancer le moteur franco-allemand.
Quel sera le rôle de l’Allemagne dans la gestion des affaires mondiales ?
En présentant ses bons vœux à ses concitoyens, Angela Merkel a mis l’accent sur les responsabilités qui incombent à l’Allemagne dans le monde. Elle s’engage à être très active au cours des deux années à venir. L’Allemagne occupe depuis le 1er janvier et pour deux ans l’un des deux sièges non permanents au sein du Conseil de sécurité de l’ONU. Une bonne plateforme pour mettre cette promesse en pratique. « Nous devons assumer davantage de responsabilités, dit Angela Merkel. C’est dans notre propre intérêt. » Angela Merkel répète haut et fort que son pays privilégie les « solutions mondiales » et rappelle qu’aucun des grands défis actuels (changement climatique, flux migratoires, lutte contre le terrorisme) ne pourra être résolu chacun pour soi. À aucun moment de son allocution, la chancelière n’a prononcé le nom de Donald Trump. Mais il n’est un secret pour personne qu’elle s’adresse tout particulièrement au président américain ennemi de l’« idéologie mondialiste » et chantre du « patriotisme » de l’America first. Pour faire barrage au recul du multilatéralisme, l’Allemagne devra « tenir bon, présenter ses arguments et se battre pour ses convictions ». Angela Merkel s’engage donc à tenir tête à Donald Trump qui n’a cessé de la critiquer depuis qu’il est arrivé à la Maison-Blanche. Les attaques de Trump contre l’excédent commercial allemand dans les échanges avec les États-Unis inquiètent particulièrement les milieux économiques très dépendants de l’exportation. Ils redoutent une guerre commerciale. Autre sujet de litige entre Washington et Berlin : le gazoduc Nord Stream 2 entre la Russie et l’Allemagne qui, selon les États-Unis, fait de l’Europe tout entière « la prisonnière de la Russie » en matière énergétique.
Angela Merkel s’adressant à la nation, le 31 décembre 2018.
© AFP/ JOHN MACDOUGALL
De notre correspondant à Berlin, Pascale Hugues