À côté de Joe Biden et de Donald Trump, plus d’un millier d’indépendants se présentent. Ils n’ont aucune chance d’être élus, mais ils influencent le scrutin.
Un ancien acteur enfant, une pianiste de concert, un patron de mines de charbon qui a fait de la prison, un chanteur de rap… Le cru 2020 des candidats à la Maison-Blanche est éclectique. On n’entend parler que de Joe Biden et de Donald Trump pour l’élection du mardi 3 novembre, mais il y a, comme tous les quatre ans, une foule d’aspirants plus ou moins farfelus. Au total, 1 225 se sont enregistrés auprès de la Commission fédérale des élections. Neuf d’entre eux se sont qualifiés pour avoir leur nom sur le bulletin de vote dans au moins cinq États.
Ils n’ont aucune chance : le dernier président des États-Unis élu en indépendant remonte à 1848. Cela ne veut pas dire qu’ils n’ont pas d’impact. S’ils se présentent, c’est, en général, pour promouvoir un thème qui leur tient à cœur, en espérant que les grands partis le reprendront à leur compte. Mais le principal effet de leur candidature, c’est la déperdition des suffrages. En 1992, Ross Perot, candidat indépendant, a raflé 19 % des voix, ce qui a coûté à George H. W. Bush sa réélection contre Bill Clinton. En 2000, George W. Bush a vaincu Al Gore de 537 voix en Floride, où le candidat écologiste Ralph Nader a reçu plus de 97 000 bulletins. En 2016, plus de 7,6 millions d’électeurs ont voté pour un candidat autre que Donald Trump ou Hillary Clinton, sans doute parce que les deux étaient peu populaires.
Jorgensen, la candidate qui veut faire des États-Unis « une Suisse géante »
Cette année, les indépendants ont eu du mal à se faire entendre et à lever des fonds, parce que l’élection est devenue un référendum sur Trump. Beaucoup d’entre eux ne figurent pas sur les bulletins de vote dans assez d’États pour avoir une chance de remporter les 270 voix nécessaires au collège électoral pour gagner la présidence. Ce qui avantage d’ailleurs Joe Biden, puisque les électeurs enclins à voter indépendant sont en général plus à gauche.
Parmi les plus connus, il y a Jo Jorgensen, 63 ans, du Parti libertarien. Professeure de psychologie à l’université de Clemson, elle plaide pour limiter le rôle de l’État, baisser les impôts, ramener les troupes américaines à la maison et transformer les États-Unis en « une Suisse géante », armée, mais neutre. Howie Hawkins, 67 ans, le représentant des verts, veut nationaliser les banques et les grandes industries, instaurer un salaire minimum de 20 dollars l’heure, sabrer aux trois quarts les budgets militaires et utiliser cet argent pour un « Green New Deal », une révolution écolo.
Et puis, il y a Kanye West. Le rappeur a annoncé, début juillet, sa candidature à la présidentielle sous la bannière du Birthday Party, parce que, « lorsqu’on aura gagné, ça va être l’anniversaire de tout le monde ». Son programme défend des thèmes chers aux conservateurs, comme rétablir la prière à l’école, défendre la liberté religieuse et les valeurs familiales. Mais il est aussi pour une réforme de la police, des mesures pour l’environnement et le développement des énergies renouvelables, positions plus à gauche.
Pourquoi Kanye West se présente-t-il ?
Le chanteur de 43 ans, qui n’a jamais voté, n’a quasiment pas fait campagne. Dans une interview, il a déclaré que le Planning familial avait été installé dans les grandes villes par les suprémacistes blancs et qu’il envisageait, une fois élu, un modèle d’organisation fondé sur Wakanda, le pays secret du film Black Panther. Ce qui a suscité moult questions sur sa santé mentale. Pourquoi Kanye West se présente-t-il ? Est-ce pour se faire de la pub ? Ou pour empêcher Joe Biden de faire le plein des voix noires ? Le mari de Kim Kardashian était proche de Donald Trump et plusieurs trumpistes bon teint sont impliqués dans sa campagne. Faute d’avoir fait les démarches à temps pour figurer sur le bulletin, ou bien à cause d’accusations de fausses signatures, son nom se trouve inscrit sur le bulletin de vote d’une douzaine d’États seulement, ce qui ne lui laisse aucune chance.
Don Blankenship est presque aussi célèbre, mais pour des raisons moins glorieuses. L’ex-PDG de Massey Energy, un producteur de charbon, a passé un an en prison pour avoir violé les règles de sécurité qui ont conduit à une explosion dans une mine qui a tué 29 personnes en 2010. Surnommé par certains « l’homme le plus détesté de Virginie-Occidentale », il soutient des positions très trumpistes : il défend l’industrie du charbon, la fin de l’avortement, la construction du mur à la frontière, la déréglementation en matière d’environnement…
Brock Pierce, le Disney boy
Brock Pierce, lui, est un ancien enfant acteur qui a joué dans Mighty Ducks, les films de Disney sur le hockey. Il s’est reconverti dans la tech et est devenu milliardaire de la cryptomonnaie. À 39 ans, il milite pour une sécurité sociale à la française, la légalisation de la marijuana, l’élimination des émissions de gaz carbonique dans 20 ans…
Derrière ces têtes d’affiche, la majorité des candidats sont inconnus. Jade Simmons, ancienne reine de beauté et pianiste professionnelle, propose un programme intitulé « Opération restauration » qui s’appuie sur les principes chrétiens pour lutter contre les inégalités. Mark Charles, un Indien navajo, milite pour une nation plus inclusive qui respecte les droits des Amérindiens, mais aussi ceux des femmes et des Noirs exclus de la Constitution américaine. Un beau programme !
Kanye West peut-il jouer les trouble-fêtes dans la prochaine élection présidentielle ? © ANGELA WEISS / AFP
De notre correspondante à Washington Hélène Vissière