Cinq idées fausses mais répandues sur le programme Erasmus

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Idées préconçues, extrapolations, manque d’informations : quelques exemples d’erreurs d’appréciation sur Erasmus +.

  • On te « donne » ton année quoi qu’il en soit en Erasmus

« Il est rare qu’un étudiant sérieux et motivé ne ­valide pas son séjour d’études Erasmus », estime Annie-Claude Guiset, directrice adjointe des relations internationales à ­l’université catholique de Lille. Ludovic Plachot, responsable du pôle mobilité à l’université Bordeaux-Montaigne, confirme : selon lui, près de 98 % des partants valident leur année. Pour autant, celle-ci est loin d’être « donnée ».

Si l’immense majorité des étudiants qui bénéficient d’une mobilité sont reçus aux examens, c’est parce qu’ils sont triés sur le volet. « Lorsqu’ils formulent leurs vœux, leurs dossiers sont examinés par les responsables de parcours, qui exigent un bon niveau pour les autoriser à partir dans l’université désirée. Ils doivent par ailleurs avoir des compétences avérées en langue et faire la démonstration de leur motivation », insiste le responsable pédagogique.

  • Un million de bébés sont nés de couples Erasmus

C’est le député européen Alain Lamassoure, fervent défenseur d’Erasmus, qui a avancé cette ­estimation à l’automne 2012, sans préciser ses sources. Joli coup de publicité, alors qu’à l’époque le programme ren­contrait des problèmes de financement. En 2014, la Commission européenne a effectué une enquête sur un échantillon parmi les quelque 3 millions de jeunes gens qui avaient bénéficié d’Erasmus depuis sa création, en 1987.

De ce sondage, il ressortait ­notamment que 27 % des étudiants Erasmus avaient ren­contré leur conjoint pendant leur séjour à l’étranger. Le ­communiqué de presse qui ­accompagnait la publication de l’enquête ajoutait : « Il en ­résulte, ­selon les estimations de la Commission, qu’environ un million de bébés sont vraisemblablement nés de couples Erasmus depuis 1987. » L’enquête ­elle-même ne portait pas sur les bébés de ces couples. Il s’agit donc d’une extrapolation impossible à vérifier.

  • Selon les régions, les bourses peuvent varier du simple au double

De fait, les bourses accordées par Erasmus varient de 150 à 400 euros par mois, en fonction du coût de la vie dans le pays d’accueil. Une somme qu’il est possible de compléter par les aides à la mobilité internationale allouées par les régions françaises, dont les montants sont certes différents, mais ne varient pas du simple au double.

Ce sont surtout les conditions d’attribution qu’il faut regarder : certaines régions autorisent le cumul, d’autres pas. Par exemple, en région PACA, le chèque va de 100 à 400 euros par mois pour une mobilité internationale. Mais il n’est pas possible de l’ajouter à une aide Erasmus +.

La bourse Mobi-Centre du Centre-Val de Loire n’est, elle, « que » de 175 euros par mois… que l’on peut additionner au coup de pouce européen. Les versements, eux, peuvent être mensuels ou forfaitaires, comme les 800 euros de la bourse Boussole de la région Alsace-Champagne-Ardennes-Lorraine. Des aides sont parfois aussi apportées par les départements, voire les municipalités – la Ville de Paris peut ainsi ­allouer 160 euros par mois, parfois cumulable avec la bourse Erasmus +.

  • La paperasse administrative avant le départ est une vraie ­galère

« Ce n’est pas une galère, mais il faut être soigneux et persévérant », juge Camille Boulanger, étudiante en L3 de langues littératures et civilisations étrangères à l’université de Toulouse. Elle a passé l’année universitaire 2014-2015 à Timisoara, en Roumanie, et se souvient avec précision des différentes étapes de sa candidature. Le dossier qu’elle a rempli comportait ses relevés de notes, une lettre de motivation et une lettre de recommandation d’un enseignant.

Choisir ses cours dans l’université d’accueil prend du temps. L’étudiant doit s’assurer qu’ils sont en rapport avec le diplôme préparé et qu’il obtiendra bien un total de 30 crédits ECTS (système d’équivalence européen) pour valider un semestre. « Ces derniers points peuvent nécessiter des allers-retours entre les établissements d’accueil et de départ », se remémore Camille Boulanger.

Autre obligation depuis 2014 : les tests de langue avant le ­départ et au retour. Une fois rentré, il faut enfin assurer un suivi rigoureux, car les facultés d’accueil ne renvoient pas toujours dans les temps les résultats des examens, ce qui peut retarder l’inscription en année supérieure en France.

LE MONDE  Par Françoise Marmouyet

Programme Erasmus, quel bilan après trente ans d’existence ?

Malgré l’insuffisance de moyens et la complexité du dispositif, ce programme garde une réputation enviable, tant auprès des étudiants que du grand public.

C’est l’un des rares sujets qui fassent l’unanimité lorsqu’on parle d’Europe. Le programme Erasmus ne suscite pratiquement que des louanges. Une exception, à l’heure où l’Union européenne essuie des critiques de tout bord.

Selon une étude réalisée en 2014 par TNS Sofres, 73 % des Français connaissent ce dispositif, et 90 % de ceux qui en ont bénéficié recommandent vivement d’y participer. Au-delà de son apport pour l’apprentissage des langues (cité par 72 % des « anciens » du programme), Erasmus permet de tisser des liens avec des étudiants d’autres pays, et d’étoffer sa formation en vue d’un emploi. Bref, une période positive à tous points de vue : académique, professionnel, et même sur le plan personnel.

« BIEN PLUS QU’UN SIMPLE ÉCHANGE UNIVERSITAIRE, ERASMUS CONSTITUE POUR LES ÉTUDIANTS UNE VÉRITABLE EXPÉRIENCE DE VIE »
JEAN-GUY BERNARD, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’ÉCOLE DE MANAGEMENT EM NORMANDIE

« Bien plus qu’un simple échange universitaire, Erasmus constitue pour les étudiants une véritable expérience de vie, estime Jean-Guy Bernard, directeur général de l’école de management EM Normandie. Beaucoup quittent leur famille pour la première fois de façon prolongée. Ils apprennent à se débrouiller dans un pays inconnu, rencontrent d’autres jeunes… Tout cela les fait grandir. » Un formidable aiguillon pour toute une classe d’âge, au point qu’on a pu parler d’une « génération Erasmus », popularisée par le film L’Auberge espagnole, de Cédric Klapisch, sorti en 2002.

Les chiffres, il est vrai, sont impressionnants. Depuis 1987, année de sa création, près de 4 millions d’étudiants européens sont partis à l’étranger, en échange universitaire ou en stage, grâce à Erasmus. En France, ce sont plus de 600 000 étudiants et près de 75 000 enseignants et formateurs qui ont bénéficié d’une bourse du programme, sans compter d’autres bénéficiaires comme les lycéens et les adultes en formation professionnelle.

« Rôle clé dans le processus de construction européenne »

Erasmus a en outre contribué à transformer l’enseignement supérieur européen. « Au fil des ans, toutes les universités se sont emparées de ce dispositif et ont multiplié les accords d’échange, souligne Thierry Berkover, chargé de mission mobilité internationale à l’université Paris-Est-Marne-la-Vallée (UPEM). Elles ont ainsi appris à se connaître et à travailler ensemble, par-dessus les frontières. De ce point de vue, c’est une réussite incontestable. » Pour Guillaume Blaess, ­directeur adjoint chargé des relations internationales à l’école de commerce Audencia de Nantes, « le programme a permis de démocratiser les échanges universitaires et il a grandement favorisé l’harmonisation des cursus en ­Europe. Erasmus a ainsi joué un rôle clé dans le processus de construction européenne ».

Mais à ces constats positifs, il faut ajouter plusieurs bémols. Le premier, de l’avis général, ­ réside dans l’insuffisance des financements, qui ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées. Ainsi cette année, en France, la moitié seulement des demandes de bourses de formation professionnelle ont pu être satisfaites. « La bourse Erasmus ne couvre le plus souvent qu’une partie assez faible du coût total du séjour à l’étranger, remarque Jean-Guy Bernard, de l’EM Normandie. Dans les pays où le coût de la vie est onéreux, les étudiants y sont de leur poche. » Le succès d’Erasmus doit beaucoup aux aides complémentaires accordées par les Etats, les régions et parfois les établissements eux-mêmes.

« Source de confusion »

Certes, le budget total vient de bénéficier d’un sérieux coup de pouce : en incluant les activités hors Europe, il a été fixé à 16,4 milliards d’euros – dont 1,26 milliard pour la France – pour la ­période 2014-2020. Soit une hausse d’environ 40 %. Des améliorations ont aussi été apportées au dispositif. Les aides, par exemple, bénéficieront davantage aux étudiants déjà boursiers.

 

Etudiants, enseignants et formateurs français bénéficiaires du programme Erasmus+.

Mais, dans le même temps, le programme, ­devenu Erasmus +, ne cesse de s’élargir. Il couvre aujourd’hui une multitude d’actions : l’apprentissage, la mobilité des professeurs, la recherche, la formation professionnelle, ­l’enseignement scolaire, l’aide au handicap, et même le soutien à la réforme des politiques ­publiques… « Même pour les enseignants, cette extension tous azimuts du programme est source de confusion, note CamilleDulor, responsable des relations internationales à l’université Paris-Est-Marne-la-Vallée. Nous devons leur expliquer ce qu’est Erasmus +, en quoi il diffère de l’Erasmus qui leur est familier. »

« Pas d’argent jeté par les fenêtres »

Nombre d’acteurs pointent aussi la lourdeur du dispositif. « Les procédures sont contraignantes, aussi bien avant le départ des élèves à l’étranger que pendant leur séjour et à leur ­retour, indique Jean-Guy Bernard. Nous devons sans cesse leur rappeler les démarches à effectuer. » A l’UPEM, Thierry Berkover renchérit : « Il y a, par exemple, un test de langue obligatoire avant le départ de l’étudiant, et un autre quand il revient. Nous devons aussi garder des preuves que nous avons bien relancé l’étudiant pour qu’il rédige son rapport de fin de mobilité. Ce suivi n’est pas inutile, mais il est porté par les établissements. Nos services sont donc très sollicités. » A Nantes, Guillaume Blaess, d’Audencia, nuance cependant ces griefs : « Ces contraintes sont aussi un gage du sérieux d’Erasmus. Il n’y a pas d’argent jeté par les fenêtres, contrairement à ce que certains imaginent parfois », assure-t-il.

Reste la question du Brexit. Compte tenu de la place de la langue anglaise, le Royaume-Uni est un pilier d’Erasmus. Qu’adviendra-t-il lorsqu’il quittera l’Union européenne ? Pour nombre de responsables, il est probable qu’il gardera au moins une place au sein du programme – à l’instar de la Norvège ou de l’Islande, pays participants moyennant des finances accrues. D’autant que la plupart des Britanniques y semblent très attachés. Signe que, malgré des réserves, Erasmus conserve intact son prestige.

Cet article figure dans un supplément consacré au programme Erasmus, à paraître dans « Le Monde » daté du vendredi 6 janvier.

Cet article fait partie d’un supplément réalisé en partenariat avec Erasmus +

  • Jean-Claude Lewandowski
    Journaliste au Monde

LE MONDE Par Jean-Claude Lewandowski

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