Après 12 ans de pouvoir sans partage, la cote de popularité de la chancelière poursuit sa chute. Les potentiels successeurs commencent à se placer.
Sur le baromètre qui mesure la cote de popularité des acteurs de la politique allemande, Angela Merkel, tenante du titre depuis des années, s’est fait doubler par Wolfgang Schäuble, ex-ministre des Finances et depuis quelques jours président du Bundestag, le Parlement allemand. Ce vétéran très respecté de la vie politique outre-Rhin est pour les Allemands un garant de cette continuité à laquelle ils aspirent tant. Grâce à lui, disent les sondés, les caisses de l’État sont pleines et l’économie allemande se porte bien. Angela Merkel, qui depuis sa première élection en 2005 monopolisait la première place dans le cœur de ses administrés, glisse maintenant en seconde position. Sa cote baisse de 2 à 1,6 point. C’est beaucoup. Si une grande partie de la population allemande fait toujours confiance à sa capacité de mener à bien les négociations de coalition et d’assurer la stabilité de son pays, les mécontents sont de plus en plus nombreux.
Une politique trop à gauche
Le 24 septembre, plus de deux millions de fidèles électeurs ont déserté le camp de la CDU/CSU pour aller voter ailleurs. Aucun parti n’a perdu autant d’électeurs. Près de 1,4 million d’entre eux ont préféré le FDP, le petit parti libéral et 1 million ont choisi l’AfD. En votant pour le nouveau parti d’extrême droite, ces électeurs chrétiens-démocrates ont protesté contre la politique menée par leur chancelière, tout particulièrement sur la question des migrants. Les barons de la CSU, l’aile bavaroise et conservatrice de la CDU, en veulent à Angela Merkel d’avoir mené une politique trop à gauche et exigent que l’on serre les rangs sur le flanc droit de l’Union pour ramener au bercail ces brebis égarées.
À gauche comme à droite, on reproche à la chancelière son manque de vision politique. D’être une gestionnaire qui se targue d’avancer « un pas après l’autre », mais qui fait si souvent le dos rond au lieu de s’attaquer aux problèmes que traverse son pays. Comme dans cet éditorial de la Süddeutsche Zeitung, le grand journal de centre gauche basé à Munich : « La chancelière dit que le gouvernement doit régler les problèmes auxquels sont confrontés les citoyens. C’est la meilleure recette contre le populisme de droite. C’est exact. Mais qui gouverne ce pays depuis 12 ans ? Et pourquoi les problèmes n’ont-ils pas été réglés depuis longtemps ? L’analyse de Merkel est donc aussi un aveu des graves erreurs qu’elle a commises. Les élections furent pour la chancelière un rendez-vous avec la réalité. »
Pas d’héritier en vue
Le vent est-il donc en train de tourner pour Angela Merkel ? Son pouvoir, qui, il y a quelques mois encore, paraissait infaillible, est-il en train de s’éroder ? Celle que l’on croyait indéboulonnable est ressortie très fragilisée des élections législatives. Dans les couloirs du pouvoir à Berlin, les rumeurs et les spéculations vont bon train. Les noms de ceux qui susceptibles d’assurer sa succession circulent. Angela Merkel a fait le vide autour d’elle. Elle n’a pas pris soin d’assurer sa relève. Pas de dauphin évident en vue. Mais de nouveaux visages se profilent.
Tel Jens Spahn, 37 ans, secrétaire d’État au ministère des Finances. Ce jeune chrétien-démocrate rue depuis un moment déjà dans les brancards. Sur la gestion de la crise des réfugiés, il s’est opposé ouvertement à la chancelière. On murmure à Berlin qu’il convoite la chancellerie dans quatre ans. Il se donne du mal pour se démarquer et affiche des positions à droite de la CDU. Le soir de l’élection du jeune conservateur Sebastien Kurz en Autriche, Jens Spahn poste sur Twitter une photo qui en dit long : Jens Spahn pose en compagnie du vainqueur autrichien qui, plus que tout autre Européen de l’Ouest, a tenu tête à Angela Merkel sur la question des réfugiés. Le message de Jens Spahn est clair : la politique anti-ouverture des frontières de Sebastien Kurz est responsable de sa victoire. Alors, pourquoi ne pas faire de même en Allemagne et neutraliser l’AfD par la même occasion ?
Merkel occupée ailleurs
Le comble est que cette photo a été postée alors que, parallèlement aux élections autrichiennes, les sociaux-démocrates battaient la CDU dans le Land de Basse-Saxe. Pendant qu’Angela Merkel panse de nouvelles plaies, Jens Spahn fait la fête à Vienne. Le message ne saurait être plus limpide : si elle veut conserver le pouvoir, la CDU doit donner enfin un grand coup de volant à droite. Mais la question des réfugiés n’en a pas fini de déchirer la CDU.
Certains, à Berlin, se demandent même si Angela Merkel arrivera au bout de son mandat ou si elle sera obligée de passer la main à mi-parcours. Des spéculations qui ne semblent pas inquiéter outre mesure la chancelière, tout occupée en ce moment à composer une coalition capable de gouverner durant les quatre prochaines années.