Alors que la primaire bat son plein, France 2 consacre ce dimanche une soirée spéciale aux enfants terribles de la gauche. Passionnant.
https://dailymotion.com/video/x57huay?info=1&autoplay=0&api=true
Il y a souvent dans les belles victoires les prémices des grandes défaites. Des signes annonciateurs. Mais l’ivresse du succès empêche de les voir. En 1997, la gauche est de retour au pouvoir. Deux ans après les adieux de François Mitterrand, la gauche plurielle prend la tête de la France. Sans savoir que cinq ans plus tard, Lionel Jospin sera éliminé de la présidentielle. Ignorant que le PS mettra quinze ans à prendre l’Élysée. Ne se doutant pas que le parti sera au bord de l’implosion vingt ans plus tard, miné par les divisions idéologiques et le périlleux exercice du pouvoir. Ce dimanche à 22 h 45, après un documentaire consacré à Dominique Strauss-Kahn (voir encadré ci-dessous), Laurent Delahousse s’intéresse aux enfants terribles de François Mitterrand. À François Hollande, Martine Aubry, Manuel Valls, Ségolène Royal, DSK, Arnaud Montebourg, Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon et même… Emmanuel Macron. Le récit du journaliste est précis, captivant et éclairant, à l’aube du vrai départ de la primaire avec, cette semaine, deux débats télévisés déjà cruciaux.
La haine de Mélenchon et Hollande ? Elle date de 1997, après les législatives. Au congrès de Brest, le parti est promis à François Hollande. Les deux se mettent d’accord avant le vote sur une répartition des suffrages. Comme au temps de Pasqua au RPR. 85 % pour le nouveau premier secrétaire, 15 % pour le futur patron du Front de gauche. Tout le monde est content. Mais, surprise, au moment de la publication des résultats, Mélenchon n’a plus que 8 %… « Il n’a pas de parole », lâche sur France 2 le candidat de La France insoumise. On connaît la suite : Mélenchon quitte le PS et qualifie Hollande de « capitaine de pédalo ».
François Hollande, l’habile malhabile
Si Delahousse nous propose un documentaire sur les différents enfants de Mitterrand, on sent que le fils préféré du présentateur du 20 heures est l’actuel locataire de l’Élysée. François Hollande y est omniprésent. Il y a cette phrase prononcée en 1997 par le tout nouveau premier secrétaire qui apparaît comme prophétique : « Il nous revient de ne pas nous installer dans le confort du pouvoir qui rend sourd au bruit des déceptions. (…) Gardons-nous de tout contentement de nous-mêmes. » Ses manœuvres habiles sur le papier échouent. C’est le cas en 2005. En délicatesse après la victoire du « non » au référendum, Hollande met sur le devant sa compagne en vue de 2007. Il dit à Dray : « Julien, il faut faire monter Ségolène parce que moi je suis grillé. Tu comprends, ça me donne le temps pour me refaire. Ségolène peut prendre des voix à tout le monde. Et après, je reviens et je rafle la mise. » Patatras ! La mayonnaise prend, Royal monte dans les sondages, Hollande fulmine et le voilà empêché de concourir. Neuf ans plus tard, le nouveau président ne retente-t-il pas le même coup en nommant Emmanuel Macron pour briser les velléités de Manuel Valls ? « Quand François Hollande est en difficulté sur des enjeux politiques très importants, il a une manœuvre politique préférentielle, c’est le leurre, confie dans le programme Malek Boutih. Il fait un truc qui perturbe la perception pour retomber sur ses pattes. » Mais les leurres (Macron ou déchéance de nationalité) fonctionnent rarement. C’est la « maladresse des habiles » de Mauriac.
Quand DSK menace Hollande : « Tu partiras tout nu »
Pendant près de deux heures, Delahousse évoque en creux la lente agonie du Parti socialiste. Les magouilles lors du congrès en 2008 où Martine Aubry vole la victoire de Ségolène Royal. « Ils ont triché. C’est tout. Voilà, la triche. Quand j’entends le parti donner des leçons de morale dans le fonctionnement démocratique dans certains pays, ça m’amuse », ironise la ministre de l’Écologie, sans doute en référence à la polémique sur ses propos sur Cuba. Il y a les pressions de DSK sur François Hollande en 2011. « Personne n’aura de postes et je vous briserai d’une certaine façon. Donc, fais allégeance sinon tu partiras tout nu. » Le séisme de son arrestation à New York change la donne. Et ouvre la voie à un candidat méprisé (« Monsieur 3 % »). On revient sur le ralliement de Montebourg à Hollande lors de la primaire : « C’était une erreur », avoue celui qui était le ministre de l’Économie jusqu’à sa sortie sur « la cuvée du redressement ». Le discours du Bourget (« mon ennemi, c’est la finance ») entretient une unité factice avec l’aile gauche du parti. Puis vient la trahison d’Emmanuel Macron, « son fils politique », selon l’ancienne attachée de presse de François Hollande. Et enfin, l’empêchement de Hollande par Manuel Valls. « Le PS peut mourir » et la gauche être « dans l’opposition » pendant longtemps, lance l’ex-Premier ministre.
Si le documentaire de Laurent Delahousse (coécrit avec Erwan L’Éléouet et Fabien Boucheseiche) se regarde comme un polar ou, mieux, comme une saison de Dynastie, il manque tout de même un aspect idéologique. La guerre des gauches est certes un conflit de personnes, mais aussi idéologique entre deux lignes ou plutôt, comme l’a dit Manuel Valls, entre « deux gauches irréconciliables ». Cette querelle pourrait être tranchée en 2017, dont les sondages donnent la gauche perdante. Il y a souvent dans les douloureuses défaites, les prémices des futures victoires.
“Dimanche 20 h 55 : la guerre des gauches”, à partir de 20 h 55 sur France 2.