Un pasteur d’Atlanta tient peut-être entre ses mains le sort de la présidence Biden. Réponse le 5 janvier.
S’il va y avoir un deuxième tour deux mois après l’élection pour désigner les deux sénateurs de l’État de Géorgie, c’est parce que, le 3 novembre, aucun des candidats n’a franchi la barre des 50 %. La loi électorale américaine prévoit alors qu’il y a « runoff ». Une nouvelle élection. Or ce scrutin local, qui est le seul à se tenir cette année, prend une dimension particulière : avec 48 sénateurs élus, le parti démocrate est à deux sièges de faire jeu égal avec les républicains qui en ont remporté 50. Et si c’était le cas, la vice-présidente Kamala Harris qui est selon la Constitution la présidente de droit du Sénat ferait basculer la majorité en faveur des partisans de Joe Biden. Et empêcherait les républicains grâce à leur majorité dans la chambre haute de mener la vie dure au nouveau président en contestant, par exemple, ses nominations, ou en bloquant certaines de ses décisions.
Trump leur meilleur allié ?
Tout dépend donc du résultat qu’obtiendront le révérend Warnock et son compère Jon Ossof le 5 janvier. Ce n’est pas gagné : Ossof a été devancé au premier tour par le candidat républicain sortant David Perdue : 49,7 % contre 47,9 %. Et si le pasteur Raphael Warnock est arrivé en tête devant sa concurrente Kelly Loeffer, 32,9 % contre 25,9 %, celle-ci pourrait le 5 janvier bénéficier du retrait d’un troisième larron qui avait rassemblé 20 % des voix.
Mais le révérend ne part pas vaincu pour autant. D’abord parce qu’il peut compter sur sa position sociale et sur son charisme. Comme son modèle, il est en effet un militant réputé des droits civiques. Dans son église Ebenezer Baptiste, à Atlanta, où il est considéré comme l’héritier de Martin Luther King qui officiait dans ce même lieu de culte, ses prêches enflammés électrisent toutes les semaines des centaines de fidèles. Son action militante lui a d’ailleurs valu sous la présidence Trump de faire un séjour en prison pour avoir été l’un des leaders d’une manifestation contre les réductions des aides sociales apportées aux plus pauvres et particulièrement aux Noirs. Tout comme il a rassemblé des foules importantes dans la capitale de la Géorgie, après l’assassinat de George Floyd par la police de Minneapolis.
Étrangement d’ailleurs, le meilleur allié des deux candidats démocrates de Géorgie pourrait bien être… Donald Trump. Furieux du basculement de la Géorgie, qui pour la première fois depuis vingt ans a donné la victoire à un candidat démocrate à la présidentielle, Trump a traîné dans la boue avec sa délicatesse habituelle le secrétaire d’État, Brad Raffensperger et le gouverneur de Géorgie, Brian Kemp, pourtant tous deux républicains. En mettant en cause la fiabilité des machines à voter qu’ils ont mises en place et en les accusant de lui avoir ainsi volé « des milliers de voix ». Et comme ce sont les mêmes consoles de vote électronique qui serviront le 5 janvier, plusieurs responsables républicains de l’État ont appelé leurs électeurs à bouder les urnes pour ne pas être complices de nouvelles fraudes.
Jon Ossof et le révérend Warnock ne pourraient espérer mieux pour contredire les chiffres. Et offrir ainsi à Joe Biden une majorité inespérée au Sénat.
Par Michel Colomès