Dieu est-il mort ou ressuscité ?

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par Michel Cool   Le Monde Diplomatique

En 2000, Dieu figure dans la rubrique nécrologique du magazine libéral anglo-saxon « The Economist ». En 2009, deux journalistes de cet hebdomadaire relèvent au contraire, dans un best-seller outre-Atlantique, un regain de la foi religieuse dans le monde. Les religions sont-elles en train de mourir ou de renaître ?

 

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Religions majoritaires à la fin du XXe siècle

La thèse de la sécularisation ou du déclin des religions procède d’une vision européenne. Elle s’est développée au XIXe siècle, avec le fondateur de la sociologie moderne, Max Weber, pour théoricien, et les fameux « maîtres du soupçon », Karl Marx, Friedrich Nietzsche et Sigmund Freud.

Ce phénomène qu’ils interprétaient comme une avancée de la modernité a pourtant commencé bien avant le siècle des Lumières et la révolution industrielle. Il s’est poursuivi au XXe siècle et s’est même accéléré dans des pays de tradition chrétienne.

En Espagne et en Italie, les crucifix dans les écoles font débat. En Pologne, le magistère moral de l’Eglise catholique peine à contenir la libéralisation des moeurs. En France, le catholicisme jouit encore d’un grand poids dans la première partie du XXe siècle, mais sa perte d’audience s’accentue à partir des années 1970. De 87 % de la population française se déclarant catholique en 1972, on passe en une vingtaine d’années à 65 %, et le nombre des pratiquants tombe de 20 % à 4,5 %.

La séparation entre les pouvoirs civil et religieux a tendu à se renforcer durant tout le XXe siècle. Malgré la « nouvelle évangélisation » lancée par Jean-Paul II en 1978, la chute du nombre des fidèles et des séminaristes n’a pu être enrayée.

Enfin, la déconnexion entre religieux et culture s’est accrue. Ainsi, de plus en plus de parents prénomment leurs enfants sans se référer aux saints du calendrier.

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Rôle politique de la religion

La sécularisation gagne toutes les régions urbanisées de la planète. Mais, en dehors de l’Europe, la modernisation ne réduit pas la religion. Bien au contraire, elle favorise sa croissance. Cette thèse, développée dans les pays anglo-saxons, s’appuie sur un constat historique : les sociétés américaines, asiatiques, africaines sont plus religieuses que les sociétés européennes.

Aux Etats-Unis, mais aussi au Brésil et en Corée, les constructions de « mégatemples » connaissent un essor spectaculaire. Dans tous les pays émergents, de Sao Paulo à Shanghaï, les Eglises évangéliques et les sectes prolifèrent.

Autre explication de ce foisonnement religieux, l’individualisation de l’acte de croire, qui caractérise le pluralisme contemporain, tire bénéfice de la révolution technologique. La mise en réseau des religions sur Internet aide celles-ci à développer leur « marché ». Par exemple, des juifs de la diaspora peuvent envoyer leurs prières par fax au Mur des lamentations, à Jérusalem. Les religions offrent des repères stables dans un contexte de mondialisation qui a fait éclater les notions de temps et d’espace.

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Liberté de croyance, selon les Etats-Unis

Il faut, néanmoins, nuancer. La vision « européenne » du déclin des religions s’appuie sur l’affaiblissement numérique des pratiquants et sur la perte d’influence des institutions religieuses. Elle explique la montée des fondamentalismes par un refus de la marginalisation. Ses partisans se crispent sur le comportement identitaire d’une minorité de musulmans, alors que leur majorité est sécularisée comme les autres croyants.

Pour contrer ce « retour du religieux » sont préconisées, en France notamment, une réhabilitation des valeurs républicaines et une réaction salutaire de l’Etat laïque. Mais, particulièrement en ce qui concerne la société française, la croyance en l’idée de nation, de république, semble également s’être estompée dans les esprits dans le dernier quart du XXe siècle.

Regain de foi

L’autre thèse, plutôt anglo-saxonne, concernant ce regain de la foi l’attribue aux besoins de sens et de relations sociales qu’éprouve l’individu moderne. En Occident, les tentatives pour promouvoir le dialogue entre les religions sont nombreuses, et le Royaume-Uni se situe au premier rang. Cependant, à l’aube du XXIe siècle, les formes de religion les plus prospères sont aussi, quelles que soient les confessions, les plus irrationnelles et les moins tolérantes. En découlent une multitude de tensions et de conflits ethno-religieux menaçant la paix dans plusieurs régions du monde.

Cette politisation de la foi indique combien sont fragiles à notre époque les instances civiles et religieuses, traditionnellement pourvoyeuses de sens et de régulation. C’est le versant le plus inquiétant de la nouvelle visibilité acquise par les religions dans l’espace public.

Michel Cool

Journaliste, ancien directeur de l’hebdomadaire Témoignage chrétien, Paris.

Les cartes et figures ont été réalisées par Philippe Rekacewicz et Cécile Marin avec le concours de Dario Ingiusto et d’Agnès Stienne.

https://www.monde-diplomatique.fr/publications/l_atlas_histoire/a54053

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