Les Pays-Bas ont expulsé la ministre turque de la Famille. Après l’interdiction d’atterrir de Mevlüt Cavusoglu, Ankara a évoqué des “vestiges du nazisme”.
Le climat se tend entre la Turquie et les Pays-Bas. Quelques heures après avoir empêché la venue du chef de la diplomatie turque qui devait assister dans la ville portuaire à un meeting de soutien au président Erdogan, les Pays-Bas ont expulsé la ministre turque de la Famille, en visite à Rotterdam. En réaction à l’interdiction faite samedi matin à l’avion du ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu de se poser sur le sol néerlandais, Ankara a bouclé ambassade et consulat néerlandais, qualifiant la décision de La Haye de « vestiges du nazisme ».
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a dénoncé dimanche un comportement rappelant « le nazisme et le fascisme » après le refoulement d’une ministre turque par les Pays-Bas, affirmant que ce pays en « paiera le prix ». Dans une allocution à Istanbul, Recep Tayyip Erdogan a affirmé que le traitement réservé à sa ministre et d’autres responsables turcs en Europe traduisait une montée « du racisme et du fascisme ». « Les Pays-Bas paieront le prix », a-t-il ajouté. Recep Tayyip Erdogan a en revanche remercié la France pour avoir autorisé une visite de son chef de la diplomatie Mevlüt Cavusoglu. « La France n’est pas tombée dans ce piège », a-t-il dit. Le ministre turc des Affaires étrangères a, en revanche, pu atterrir samedi soir dans l’est de la France, à Metz, pour participer à un meeting à l’invitation de la branche lorraine de l’Union des démocrates turcs européens (UETD), qui organise des meetings électoraux pour le parti AKP du président Erdogan.
Tensions
De son côté, le Premier ministre danois Lars Løkke Rasmussen a « proposé » à son homologue turc Binali Yildirim de reporter une visite au Danemark prévue fin mars en raison de « l’escalade » entre Ankara et les Pays-Bas. « Une telle visite ne pourrait se tenir en faisant abstraction des attaques actuelles de la Turquie contre les Pays-Bas. J’ai donc proposé à mon collègue turc de reporter notre rencontre », a écrit le chef du gouvernement danois dans un communiqué.
Dimanche 12 mars, des manifestants ont également arraché le drapeau néerlandais au consulat des Pays-Bas à Istanbul, selon une journaliste de l’AFP sur place. Les manifestants ont remplacé le drapeau néerlandais par le drapeau turc.
Une ministre reconduite à la frontière
À Rotterdam, la ministre turque de la Famille, Fatma Betül Sayan Kaya, arrivée par la route de Düsseldorf (Allemagne) samedi soir, a été empêchée dans le consulat par la police, qui l’a reconduite à la frontière dans la nuit. Sa venue a été qualifiée d’« irresponsable » par le gouvernement néerlandais. « Nous avions fait savoir de manière répétée que Fatma Betül Sayan Kaya n’était pas la bienvenue aux Pays-Bas […], mais elle a quand même décidé de faire le voyage », a déploré le gouvernement dans un communiqué.
La ministre « a été expulsée vers le pays d’où elle était venue », a déclaré le maire de Rotterdam, Ahmed Aboutaleb. Après plusieurs heures de négociations, il s’était révélé « impossible de trouver une solution », a-t-il dit. « Je ne partirai pas tant que l’on ne m’aura pas permis de rencontrer nos concitoyens, ne serait-ce que pour cinq minutes », avait déclaré la ministre.
Tensions
Près d’un millier de manifestants munis de drapeaux turcs s’étaient rassemblés dans la soirée près du consulat de Turquie à Rotterdam, avant d’être dispersés par les policiers à l’aide de canons à eau. La visite de Mevlüt Cavusoglu à Rotterdam nourrissait les tensions entre les deux pays depuis plusieurs jours, La Haye refusant de cautionner une visite gouvernementale destinée à « mener une campagne politique pour un référendum ».
Dans l’après-midi, le président Erdogan a réagi en évoquant des « vestiges du nazisme ». Des propos qualifiés de « fous » et « déplacés » par le Premier ministre néerlandais Mark Rutte. Quelques heures après le refus de La Haye d’accueillir Mevlüt Cavusoglu, Ankara a annoncé avoir bloqué les accès à l’ambassade des Pays-Bas à Ankara et au consulat du royaume à Istanbul pour « raisons de sécurité ». « Les résidences du chargé d’affaires de l’ambassade et du consul sont soumises au même traitement », ont précisé des responsables du ministère turc des Affaires étrangères sous le couvert de l’anonymat.
Un rassemblement annulé
À Istanbul, un millier de personnes environ se sont rassemblées devant le consulat des Pays-Bas, scandant des slogans en soutien à Recep Tayyip Erdogan, a constaté un journaliste. Selon des images de la chaîne NTV, des manifestants ont jeté des œufs et des oranges sur l’ambassade néerlandaise à Ankara. Mevlüt Cavusoglu devait également participer dimanche à un rassemblement à Zurich, mais la rencontre a été annulée à la suite du refus de l’hôtel où elle devait avoir lieu, selon la Radio-télévision suisse (RTS).
Le ministre turc avait défié samedi matin les avertissements des autorités néerlandaises en maintenant sa visite prévue à Rotterdam et en les menaçant de « lourdes sanctions » si elles l’empêchaient de venir. Le gouvernement néerlandais avait fait savoir jeudi son opposition à cette visite, et le meeting avait été annulé dès mercredi par le maire de Rotterdam – au motif de l’indisponibilité du gérant de la salle.
« Pratiques nazies »
Le ministère turc des Affaires étrangères a convoqué le chargé d’affaires néerlandais à Ankara et lui a signifié que la Turquie « ne souhaite pas que l’ambassadeur néerlandais, actuellement hors du pays, revienne au travail avant quelque temps ». L’exécutif turc misait sur sa campagne en Europe pour toucher la diaspora. Près de 400 000 personnes d’origine turque vivent aux Pays-Bas.
La crise entre les Pays-Bas et la Turquie survient à quelques jours du scrutin législatif néerlandais mercredi, au terme d’une campagne où l’islam a été un thème majeur. Le parti du député anti-islam Geert Wilders est donné en deuxième place par les derniers sondages. La campagne pro-Erdogan en Europe a également provoqué des tensions avec l’Allemagne, plusieurs villes allemandes ayant annulé des rassemblements pro-Erdogan. Le président turc a accusé le 5 mars l’Allemagne de « pratiques nazies », des propos qui ont suscité la colère à Berlin et à Bruxelles.
SOURCE AFP