Le Grec Margaritis Schinas hérite d’un portefeuille à l’intitulé étrange : « protection du mode de vie européen ». Déjà, la polémique s’installe… Explications.
C’est le portefeuille qui fait déjà grand bruit à Bruxelles : Ursula von der Leyen a décidé de nommer un commissaire à la « protection du mode de vie européen » avec rang de vice-président. En l’occurrence, ce portefeuille à l’intitulé vague est dévolu au commissaire Grec Margaritis Schinas, l’ancien porte-parole du président Juncker qui a été proposé par le gouvernement Mitsotakis (PPE).
Que recouvre exactement la « protection du mode de vie européen » ? Un premier malentendu apparaît, car le commissaire grec se voit à la fois confier la formation des travailleurs, l’asile, l’immigration et la sécurité avec pour mission d’améliorer l’intégration des réfugiés dans les sociétés européennes. Dans sa lettre de mission, Ursula von der Leyen définit le « mode de vie européen » comme devant assurer « la dignité et l’égalité pour tous ».
Or, l’expression « mode de vie européen » a été utilisée pendant la campagne européenne dans une acception beaucoup plus idéologique, consistant à promouvoir une Europe catholique et blanche. C’est en tout cas, dans ce sens, que Viktor Orban, le leader hongrois, considère que l’immigration, surtout musulmane, est une menace pour le mode de vie européen. Il estime avoir « sauvé le mode de vie européen » en fermant ses frontières aux migrants.
« Un scandale absolu »
D’où la méprise et le sentiment de malaise qui s’est installé, hier, lorsque la présidente von der Leyen a dévoilé l’architecture de sa commission et qu’est apparue l’expression « protection du mode de vie européen ». Le leader du groupe écologiste au Parlement européen, Philippe Lamberts, est parti bille en tête. « Un commissaire en charge de la protection du mode de vie européen est un scandale absolu, a-t-il lancé. Autrement dit, quoi qu’ils en disent, ils reprennent la vision de l’extrême droite selon laquelle la question migratoire est d’abord un enjeu de protection d’un soi-disant mode de vie européen, dont on n’a d’ailleurs pas idée de ce qu’il signifie. » Comme si Ursula von der Leyen avait voulu donner des gages au PiS polonais (qui a voté pour elle) ou ménager un Viktor Orban qui ne tarit pas d’éloges sur elle en raison du très grand nombre d’enfants (7) dont la présidente est la mère. Pour Orban, cette abondante progéniture est la voie à suivre pour repeupler une Europe sans le secours de l’immigration africaine.
Dans cette affaire, Ursula von der Leyen est un peu récupérée malgré elle par la frange la plus réactionnaire alors que son comportement personnel est sans ambiguïté quant à la question migratoire. Elle distingue très clairement les réfugiés qui ont droit à l’asile des migrants économiques qui doivent retourner dans leur pays d’origine. Mieux ! Dans sa lettre de mission à Margaritis Schinas, elle explicite une idée plutôt généreuse : « Je souhaite que vous vous concentriez sur la création de voies vers la migration légale afin de nous aider à faire venir des personnes possédant les compétences et les talents dont notre économie et le marché du travail ont besoin. » Ursula von der Leyen pense notamment aux nombreux emplois vacants dans une Europe qui vieillit dangereusement à l’Est et au Sud. On est très loin d’une Europe barricadée derrière des barbelés dans la crainte que des éléments étrangers ne pervertissent le « mode de vie européen ».
Du reste, la présidente de la Commission ne peut pas être prise en défaut sur ce sujet. « Il y a quatre ans, j’ai eu la chance d’accueillir chez moi et au sein de ma famille un réfugié syrien de 19 ans, a-t-elle confié en juillet lors de son discours programmatique devant le Parlement européen. Il ne parlait pas l’allemand et était profondément marqué par son expérience de la guerre civile et la nécessité de fuir. Aujourd’hui, quatre ans plus tard, il parle couramment l’allemand, l’anglais et l’arabe. Le jour, il est un porte-parole de sa communauté, dans le secteur de la formation professionnelle, et la nuit, il étudie pour obtenir son diplôme de fin d’études secondaires. C’est une source d’inspiration pour nous tous. Il souhaite retourner chez lui un jour… » Nul doute que l’intitulé du portefeuille de Margaritis Schinas fera l’objet de nombreuses questions lorsque celui-ci se soumettra aux auditions du Parlement de Strasbourg.