Le document qui accorde de nombreuses concessions à Israël a provoqué la colère des Palestiniens. Il a déjà été rejeté par le Hamas, au pouvoir à Gaza
Un document « très détaillé » de près de 80 pages : le président américain Donald Trump a dévoilé mardi son plan de paix pour le Proche-Orient, avec une solution au conflit opposant Israël et les Palestiniens basée sur l’existence de deux États. Le plan prévoit aussi d’accorder à Israël de nombreuses concessions comme la souveraineté sur la vallée du Jourdain, zone actuellement occupée par l’armée israélienne et la reconnaissance de Jérusalem comme « capitale indivisible » de l’État hébreu.
Depuis les salons de la Maison-Blanche, le président des États-Unis a vanté un projet « gagnant-gagnant » pour Israéliens et Palestiniens mais multiplié les garanties inédites à son « ami » Benyamin Netanyahou, debout tout sourire à ses côtés. Si le Premier ministre israélien a salué « une journée historique », le président palestinien Mahmoud Abbas, qui a refusé ces derniers mois les offres de dialogue du tempétueux président, a affirmé que le plan ne passerait pas. « Il est impossible pour n’importe quel enfant, arabe ou palestinien, d’accepter de ne pas avoir Jérusalem » comme capitale d’un État palestinien, a-t-il lancé. Le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, enclave palestinienne de deux millions d’habitants séparée géographiquement de la Cisjordanie, a aussi rejeté la proposition américaine.
Mais affichant son optimisme sur le devenir de ce projet « très détaillé », le locataire de la Maison-Blanche a estimé qu’il pouvait permettre de faire « un grand pas vers la paix ». Parmi les nombreux points sensibles de ce plan, figure la reconnaissance de l’annexion par Israël à son territoire des colonies qu’il a implantées en Cisjordanie occupée, en particulier dans la vallée du Jourdain. Cette zone est « vitale » pour Israël, a martelé Benyamin Netanyahou, tandis que l’ambassadeur des États-Unis David Friedman affirmait que l’État hébreu pouvait annexer ses colonies « sans attendre ».
« Rejet clair du terrorisme »
Un futur État palestinien sur ces tracés serait nettement en deçà de ce à quoi aspirent les Palestiniens, à savoir la totalité des Territoires occupés depuis 1967 par Israël. Peu après l’allocution présidentielle, l’ONU a d’ailleurs souligné qu’elle s’en tenait aux frontières définies en 1967. Le futur État palestinien ne verrait le jour que sous plusieurs « conditions », dont « le rejet clair du terrorisme », a souligné Donald Trump, qui a ensuite tweeté une carte des deux États envisagés, avec en particulier un tunnel reliant la Cisjordanie à la bande de Gaza.
Martelant sa conviction que les Palestiniens méritaient « une vie meilleure », Donald Trump leur a aussi lancé une mise en garde. Il a annoncé avoir envoyé une lettre à Mahmoud Abbas l’exhortant à saisir « une chance historique », et peut-être « la dernière », d’obtenir un État indépendant. « Je lui ai expliqué que le territoire prévu pour son nouvel État resterait ouvert et sans développement » de colonies israéliennes « pendant une période de quatre ans », a-t-il précisé. Selon la Maison-Banche, le projet propose un État palestinien « démilitarisé ».
Jérusalem restera « la capitale indivisible d’Israël », a-t-il par ailleurs assuré en proposant de créer une capitale de l’État palestinien cantonnée dans des faubourgs de Jérusalem-Est. Pour Robert Malley, ancien conseiller de Barack Obama et président de l’International Crisis Group, le message adressé aux Palestiniens est clair et sans nuances : « Vous avez perdu, il va falloir vous y habituer. »
« Négocier directement »
Le gouvernement britannique a estimé que le plan présenté par l’ancien magnat de l’immobilier « pourrait constituer une avancée positive ». De son côté, la Russie a appelé Israéliens et Palestiniens à « négocier directement ». L’Iran, de son côté, a estimé que ce « plan de paix de la honte » était « voué à l’échec ».
L’ancien homme d’affaires de New York, qui se targue d’être un négociateur hors pair, avait confié au printemps 2017 à son gendre et conseiller Jared Kushner, novice en politique, l’épineuse tâche de concocter une proposition susceptible d’aboutir à « l’accord ultime » entre Israéliens et Palestiniens. L’objectif : réussir là où tous ses prédécesseurs ont échoué. Le Premier ministre palestinien, Mohammed Shtayyeh, avait par avance appelé la communauté internationale à boycotter le projet, contraire selon lui au droit international. « Ce n’est pas un plan de paix pour le Moyen-Orient », a-t-il martelé, jugeant que l’initiative visait avant tout à protéger « Trump de la destitution » et « Netanyahou de la prison ».
Vers une sortie des accords d’Oslo ?
Signe que le calendrier est délicat, à un mois de nouvelles élections en Israël où Benyamin Netanyahou est aux prises avec une inculpation pour corruption, le locataire de la Maison-Blanche a aussi reçu lundi son principal opposant, Benny Gantz. Mais c’est avec « Bibi » qu’il a choisi d’apparaître mardi devant les caméras, et le Premier ministre israélien, qui se rendra dès mercredi à Moscou pour informer le président russe Vladimir Poutine des détails du plan, n’a pas dissimulé son enthousiasme. « Monsieur le président, votre accord du siècle est la chance du siècle », a-t-il lancé depuis la Maison-Blanche.
Dimanche, Saëb Erekat, secrétaire général de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), avait indiqué à l’Agence France-Presse qu’il se réservait le droit de se retirer des accords d’Oslo, qui encadrent leurs relations avec Israël. Aux termes de l’accord intérimaire dit d’Oslo II de septembre 1995 entre l’OLP et Israël, la Cisjordanie avait été partagée en trois zones : A, sous contrôle civil et sécuritaire palestinien, B, sous contrôle civil palestinien et sécuritaire israélien, et C, sous contrôle civil et sécuritaire israélien. Or le plan de Donald Trump « va transformer l’occupation temporaire en occupation permanente », a dénoncé Saëb Erekat.
Source AFP