Le président et son épouse assistaient vendredi à une représentation dans le nord de Paris. Le journaliste militant ayant signalé leur présence a été placé en garde à vue.
Emmanuel Macron a connu une soirée agitée vendredi. Alors qu’il assistait avec son épouse à une représentation de la pièce La Mouche au théâtre des Bouffes du Nord, dans le 10e arrondissement de Paris, des manifestants ont tenté de pénétrer dans la salle. Devant les portes du théâtre, des dizaines de protestataires ont entonné des chants pour réclamer la démission du chef de l’État et le retrait de la réforme des retraites. « Et on ira, et on ira, et on ira jusqu’au retrait », ont notamment chanté les personnes sur place.
Sortie du Président Emmanuel Macron du théâtre des Bouffes du Nord (Paris, 10eme) sous tension.
Charge policière pour la sortie du cortège présidentielle sous les sifflets de manifestants contre la réforme des retraites.
Très vite, les forces de l’ordre sont intervenues au moment où plusieurs manifestants ont forcé l’entrée du théâtre. Ceux qui avaient réussi à pénétrer dans l’enceinte ont été rapidement évacués. Présent sur place, le journaliste de Brut Remy Buisine a pu constater qu’une charge policière a eu lieu pour exfiltrer Emmanuel Macron et sa femme.
Les manifestants évacués
Franceinfo rapporte que le couple a finalement pu assister à la fin de la pièce. Ils ont été protégés et mis à l’abri pendant quelques minutes le temps que le calme revienne sur place. Son entourage indique « que le président continuera de se rendre au théâtre comme il a l’habitude de le faire et veillera à ce que des actions politiques ne perturbent pas la liberté d’expression, la liberté des artistes et la liberté de création ». Le président a quitté les lieux en voiture vers 22 heures sous escorte policière.
Je suis actuellement au théâtre des bouffes du Nord (Métro La Chapelle)
3 rangées derrière le président de la république.Des militants sont quelque part dans le coin et appelle tout le monde à rappliquer.
Quelque chose se prépare… la soirée risque d’être mouvementée.
Emmanuel et Brigitte Macron assistaient à la représentation quand le journaliste militant Taha Bouhafs, assis trois rangs derrière, a tweeté des photos qui ont incité des militants à venir perturber le spectacle, selon un proche du président. Le journaliste David Dufresne a signalé sur Twitter un autre message paru une dizaine de minutes avant celui de Tahar Bouhafs, signalant la présence du président dans le théâtre et appelant à venir manifester devant l’établissement.
Selon une source judiciaire, le journaliste militant Taha Bouhafs a été ensuite interpellé et emmené au commissariat. Samedi matin, une source judiciaire a précisé que le jeune homme de 22 ans avait été placé en garde à vue pour « participation à un groupement formé en vue de commettre des violences ou des dégradations ». Après son premier message signalant la présence du chef de l’État, Taha Bouhafs avait ensuite demandé à ses dizaines de milliers d’abonnés s’il devait ou non lancer ses chaussures sur le président, à l’image du célèbre geste d’un journaliste irakien contre le président américain George W Bush en 2008. « Je plaisante (…) la sécu me regarde bizarre là », avait-il ensuite précisé.
La classe politique réagit
L’incident n’a pas manqué de faire réagir plusieurs personnalités de la classe politique française. « Président @EmmanuelMacron @BouffesDuNord, intrusion @CFDT, cérémonies de vœux des députés @LaREM_AN et ministres empêchées ou annulées. Les auteurs de ces agressions sèment la violence et la discorde. Nous les ferons reculer par le rassemblement des Français et la solidarité », a réagi le patron des députés LREM Gilles Le Gendre.
Dans quel régime sommes-nous pour qu’un président, furieux que des manifestants le conspuent à l’extérieur d’un théâtre, fasse arrêter un journaliste qui s’y trouvait qui et avait osé communiquer sur sa présence ? #monarchie #liberezTaha https://twitter.com/charlesbaudry/status/1218291870742302721 …
Charles Baudry@CharlesBaudryEn réponse à @CharlesBaudryFin de l’action devant le théâtre des Bouffes du Nord à #Paris. Le journaliste @T_Bouhafs a été arrêté pour « organisation d’une manifestation non déclarée ». Celui-ci était à l’intérieur de la salle avec un billet et avait posté une vidéo sur les RS.#greve17janvier #Macron
« Lorsqu’on essaie de faire pression sur les représentants d’un gouvernement, sur des députés, sur des organisations gouvernementales », a-t-elle développé, « sur finalement tous les corps intermédiaires et les représentants du peuple, dont certains sont élus – et d’ailleurs tous, puisque les représentants syndicaux sont également élus –, c’est une atteinte à la démocratie (…) C’est au fond une volonté, par la pression, par la violence, de changer le regard qu’on porte sur certains sujets ». « Je comprends très bien qu’on ne soit pas d’accord, (…) mais il faut retrouver le respect normal, de base, qui permet à une vie démocratique de s’exercer », a commenté de son côté le secrétaire d’État à la Transition écologique Emmanuelle Wargon, interrogée sur Franceinfo.
Une arrestation qui dérange
L’arrestation de Taha Bouhafs a également fait réagir. « Dans quel régime sommes-nous pour qu’un président, furieux que des manifestants le conspuent à l’extérieur d’un théâtre, fasse arrêter un journaliste qui s’y trouvait et qui avait osé communiquer sur sa présence ? #monarchie #liberezTaha », a accusé le député Insoumis Éric Coquerel. « On arrête un journaliste pour avoir tweeté sur la présence du Méprisant au théâtre. Bienvenue en #Macronie », a réagi sur Twitter la députée France insoumise Danièle Obono. Taha Bouhafs, connu pour avoir filmé Alexandre Benalla en train de violenter un couple à Paris le 1er mai 2018, avait déjà été placé en garde à vue en juin alors qu’il couvrait une manifestation en banlieue parisienne, s’attirant le soutien d’une partie de la profession. Il doit être jugé le 22 février à Créteil pour « outrage et rébellion ».
Marine Le Pen a également condamné samedi la tentative d’intrusion dans un théâtre où se trouvait Emmanuel Macron vendredi soir, tout en accusant l’exécutif de « contribuer » aux tensions sociales. « Ces agissements doivent être condamnés, mais ils sont inquiétants parce qu’ils révèlent une montée en tension permanente, ininterrompue depuis maintenant plus d’un an et demi », a déclaré la présidente du Rassemblement national en marge d’un déplacement pour soutenir ses candidats aux élections municipales en Seine-et-Marne. « Le gouvernement, par son comportement, a contribué au fur et à mesure du temps à cette montée en tension, même si cela n’excuse pas ces agissements d’hier (vendredi) et avant-hier (jeudi) », a-t-elle ajouté.
Par LePoint.fr, avec AFP