L’entretien du chef de l’État à « Valeurs actuelles » a profondément irrité les autorités bulgares. L’ambassadrice de France en Bulgarie est convoquée…
L’ambassadrice de France à Sofia convoquée
Choquées, les autorités bulgares ont vivement réagi. Florence Robine, l’ambassadrice de France à Sofia, est convoquée lundi par le ministre des Affaires étrangères à Sofia. L’ambassadeur bulgare à Paris, Anguel Tcholakov, va émettre une protestation solennelle auprès des autorités françaises. Les relations sont montées en température au point qu’Emmanuel Macron a préféré appeler directement au téléphone Boïko Borissov afin de lever le « malentendu », a-t-on appris, samedi soir, de source élyséenne.
Cet incident diplomatique s’inscrit dans un contexte tendu : d’abord, il réveille le problème des travailleurs détachés qui ont fait l’objet d’une directive révisée après deux ans de procédure et un bras de fer délicat avec les pays de l’Est et d’Europe centrale.
Mais, surtout, le président semblait faire peu de cas du fait que la Bulgarie fait partie de l’Union européenne et, par conséquent, doit bénéficier, comme tous les États membres, de la libre circulation des personnes, l’une des quatre libertés fondamentales de l’UE. Le président Macron, en donnant la préférence à des travailleurs africains légaux, choque nos partenaires européens qu’il associe, en outre, au trafic organisé… On comprend que la référence soit assez peu plaisante pour le Premier ministre Boïko Borissov, qui se bat, d’année en année, pour lutter contre les mafias. Son travail est d’ailleurs salué, en octobre dernier, par la Commission européenne qui suit, en Bulgarie comme en Roumanie, le « mécanisme de coopération et de vérification » (MCV). « La Commission estime que les progrès accomplis par la Bulgarie au titre du MCV sont suffisants pour satisfaire aux engagements pris par le pays au moment de son adhésion à l’UE. La Bulgarie devra continuer à travailler sans relâche à la concrétisation des engagements mentionnés dans ce rapport en vue d’une législation concrète et d’une mise en œuvre durable. (…) Avant de prendre une décision finale, la Commission tiendra aussi dûment compte des observations du Conseil et du Parlement européens. »
« Une incontinence verbale et intellectuelle »
L’incident diplomatique provoqué par la sortie du chef de l’État est sévèrement commenté par un officiel bruxellois : « C’est une incontinence verbale et intellectuelle. La Bulgarie est dans l’UE. Emmanuel Macron ne semble pas le savoir. » Les conditions de cet entretien accordé à Valeurs actuelles ont donné des sueurs froides à l’entourage du chef de l’État, comme le rapporte le quotidien L’Opinion. Emmanuel Macron a improvisé cet échange dans l’avion présidentiel lors du vol retour de son voyage dans l’océan Indien. Pour d’autres, la ficelle est un peu grosse et l’improvisation n’a aucune part dans ce qui apparaît comme une stratégie « à droite toute » en vue de la présidentielle 2022.
Boïko Borissov est d’autant moins porté à l’indulgence qu’Emmanuel Macron l’a exaspéré lors du dernier sommet européen à propos de l’élargissement de l’Union. Le président français s’est opposé à l’ouverture de la procédure d’adhésion à l’égard de l’Albanie et de la Macédoine du Nord. La Bulgarie s’est beaucoup impliquée dans le contentieux patronymique entre la Grèce et la Macédoine. La Macédoine du Nord a accepté un compromis avec en toile de fond la promesse non écrite d’un rapprochement avec l’Europe. La raideur d’Emmanuel Macron a mis le Premier ministre bulgare et le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, dans un porte-à-faux très déplaisant.