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PORTRAIT. Ex-banquier, le chef du parti Nouvelle Démocratie (droite) multiplie les points communs avec Emmanuel Macron. Qui est l’homme qui pourrait être élu à la tête de la Grèce ?
« Et maintenant, Premier ministre. » Pour fêter en ce jour de janvier 2016 l’ascension de son fils Kyriakos à la présidence de Nouvelle Démocratie (conservateurs), Konstantinos Mitsotakis, le patriarche de la droite grecque, âgé de 95 ans, fait l’effort de le féliciter et l’embrasser bien qu’il ne tienne plus sur ses jambes. Un encouragement symbolique venant d’un des plus vieux loups de la politique grecque, élu député à seulement 28 ans en 1946 et Premier ministre de 1990 à 1993.
Trois ans et demi après, le fiston aux sourcils noirs et au sourire imperturbable est sur le point de concrétiser le rêve de son père, disparu en 2017. Selon les sondages, le parti de Kyriakos Mitsotakis devrait l’emporter ce dimanche 7 juillet lors des législatives anticipées. Nouvelle Démocratie affiche environ 10 points d’avance sur Syriza, la formation d’Alexis Tsipras. Le fils Mitsotakis a donc toutes les chances de se convertir en prochain chef de l’exécutif grec et de mettre un terme à quatre ans de gouvernement Tsipras. « La seule question est de savoir l’ampleur de sa victoire, c’est-à-dire s’il obtiendra la majorité absolue au Parlement, et par combien de sièges », estime George Pagoulatos, professeur à l’université d’économie et de business d’Athènes (AUEB).
Aux européennes de la fin mai, Nouvelle Démocratie a déjà raflé 33 % des voix aux européennes et la première place du scrutin. Aux élections locales, elle a gagné les mairies d’Athènes et de Thessalonique, les deux premières villes du pays. Les régionales ont enfoncé le clou, avec 12 régions conquises sur les 13 de la République hellénique. Un raz-de-marée dont Kyriakos Mitsotakis, 51 ans et père de trois enfants (Sofia, Konstantinos et Dafni), est le principal artisan.
Dynasties et clans

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Chez les Mitsotakis, on ne compte plus ceux qui ont occupé de hautes responsabilités politiques. Il y a le père, bien sûr, Konstantinos. Il y a sa fille Dora Bakoyannis, soeur de Kyriakos. Elle fut ministre de la Culture, puis maire d’Athènes (2003-2006), notamment pendant les Jeux olympiques de 2004, puis ministre des Affaires étrangères (2006-2009). Il y a aussi Kostas Bakoyannis (fils de Dora et donc neveu de Kyriakos, vous suivez ?) : il vient d’être élu maire d’Athènes à 41 ans.Longtemps, appartenir au clan Mitsotakis, Karamanlis ou Papandreou, les trois grandes dynasties de la République hellénique, était une voie royale vers le pouvoir dans un pays traditionnellement attaché aux valeurs familiales. Mais, de l’avis des observateurs, le vent a tourné. Aujourd’hui, on se méfie des descendants dont les noms de famille, aux yeux des Grecs, évoquent aussi gabegie et corruption. Si bien que Kyriakos Mitsotakis a dû apprendre à gommer son nom pour se faire un prénom.
Comme Emmanuel Macron, c’est un libéral, sur le plan tant économique que sociétal. Comme lui, il a laissé tomber la veste et la cravate durant les derniers jours de campagne électorale pour se montrer en chemise blanche, les manches retroussées, au moment de haranguer les militants venus à ses meetings. Diplômé de Harvard (MBA à la Business School) et Stanford (master de relations internationales), il fait, comme le président français, ses armes dans le secteur financier : à la Chase Manhattan Bank et comme consultant chez McKinsey à Londres, puis en Grèce à la banque Alpha dans la gestion d’actifs et à la Banque nationale grecque, premier établissement commercial du pays. « Il est compétent, possède une bonne formation académique et a de l’expérience dans le secteur privé et au gouvernement. Il connaît les marchés et la communauté des investisseurs », fait valoir George Pagoulatos. Et, quand il s’agit d’accompagner les changements de la société, Kyriakos Mitsotakis ne se montre pas froussard. En décembre 2015, il vote par exemple en faveur de l’union civile des gays, au grand dam de la majorité des députés de Nouvelle Démocratie.
Face au mammouth

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Sur son profil LinkedIn, il se définit comme un « ardent défenseur d’un État restreint et efficace, d’une réforme de l’éducation, de la lutte contre la bureaucratie et les pratiques monopolistiques qui entravent la croissance et du combat contre le copinage au gouvernement ». Ministre de la Réforme administrative entre 2012 et 2014, il a d’ailleurs appliqué ces principes à la lettre et licencié 15 000 fonctionnaires. Aujourd’hui, il profite de la lassitude des Grecs qui tardent à voir les effets concrets du retour de la croissance (le PIB a augmenté de 1,9 % en 2018), après s’être tant serré la ceinture à la suite des plans de rigueur exigés par l’Union européenne, et tout spécialement par Angela Merkel.Mais l’héritier Mitsotakis marque aussi des points avec ses promesses de baisse des impôts (réduction du seuil de l’impôt sur le revenu, de la taxe foncière et de l’impôt sur les sociétés) et de hausse des salaires pour les classes moyennes. Et, fin stratège, il évite de se faire déborder sur sa droite en critiquant l’accord de Prespa sur la petite république de Macédoine du Nord, qui pourrait adhérer à l’Otan. Bref, Kyriakos Mitsotakis pêche des voix tant sur sa droite que vers le centre. « Et maintenant, Premier ministre », avait prédit son père.