Gabriel Attal à Matignon, la promotion spectaculaire d’un fidèle du chef de l’Etat

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D’un record historique à l’autre. Elu président de la République en 2017, à moins de 40 ans, Emmanuel Macron vient de nommer le plus jeune premier ministre de la Ve République, pour remplacer Elisabeth Borne et tenter de redynamiser un quinquennat enkysté. Agé de 34 ans, Gabriel Attal, qui arrive mardi 9 janvier à Matignon, détrône ainsi Laurent Fabius qui, nommé à 37 ans à cette fonction, par François Mitterrand, a longtemps pu se targuer de cette spécificité. Il est aussi le premier à n’avoir pas fait mystère de son homosexualité. Le 5 novembre 2023, il s’était confié dans « Sept à huit » sur TF1 en racontant avoir dit à son père : « Papa, je suis tombé amoureux d’un garçon. »

Au cours des dernières semaines, alors qu’un changement de premier ministre était évoqué à l’Elysée, personne ne croyait vraiment à ce scénario, tant Gabriel Attal, nommé en juillet 2023 au ministère de l’éducation nationale pour tenter de rassurer un secteur abîmé et en crise, semblait neuf – et indispensable – rue de Grenelle, où il avait commencé à faire ses preuves, en quelques mois à peine.

Finalement, pour la première fois depuis 2017, Emmanuel Macron est sorti de son habituel schéma, en choisissant un profil politique pour Matignon, où il a nommé des hauts fonctionnaires, fins connaisseurs de l’Etat, mais ensuite relégués au rang de simples collaborateurs, destinés à ne jamais lui faire de l’ombre.

Porter le « réarmement civique »

En propulsant Gabriel Attal rue de Varenne, le président de la République, affaibli par sa majorité relative, fait l’aveu implicite qu’il a besoin de la popularité du ministre de l’éducation – l’un des rares visages identifiés de la « génération Macron » – pour redonner du souffle à son mandat. Et porter ce « réarmement civique » annoncé lors de ses vœux télévisés, le soir du 31 décembre 2023. Une promotion spectaculaire pour « le jeune Gabriel » à qui l’ancien premier ministre Jean Castex, dont il est proche, cherchait – à l’occasion du remaniement de juillet 2020 – un « os à ronger », censé calmer la folle impatience de son cadet.

Depuis son entrée au gouvernement, à l’automne 2018, à 29 ans, comme secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse Jean-Michel Blanquer – plus jeune membre d’un gouvernement sous la VRépubique –, le député Renaissance des Hauts-de-Seine a fait un parcours sans fautes : porte-parole du gouvernement, ministre du budget, avant d’arriver au ministère de l’éducation nationale, où ses premiers pas ont été plébiscités par les Français. Juste avant sa nomination, à l’été 2023, ses proches le mettaient pourtant en garde contre l’exigence d’un poste risqué, dans lequel il est si facile de s’abîmer : « Ne fais pas cette folie, ça va être la fin de ta carrière politique ! »

Le risque, réel, était pourtant savamment calculé. Gabriel Attal savait que l’éducation était une priorité du président, ce qui lui garantissait des moyens. Et aussi – surtout – une garantie de visibilité, ce ministère étant « proche du quotidien des Français ».

Une vraie popularité

En moins de six mois, il s’y est forgé une vraie popularité, équivalente, dans les baromètres, à celle de l’ancien premier ministre Edouard Philippe, devançant tous ses collègues du gouvernement, où il fait des jaloux depuis longtemps : Clément Beaune (transports), issu de la gauche, qui se rêve maire de Paris et voit d’un mauvais œil les prétentions de son rival dans la capitale ; ou encore l’ambitieux Gérald Darmanin (intérieur), issu de la droite, qui reconnaît en grimaçant le talent de Gabriel Attal et sait qu’il le trouvera un jour ou l’autre en travers de son chemin.

Ancien militant au Mouvement des jeunes socialistes et conseiller de la ministre de la santé Marisol Touraine, pendant le quinquennat de François Hollande, Gabriel Attal vient de la gauche et du courant strauss-kahnien. Mais avec l’interdiction de l’abaya et l’expérimentation de l’uniforme à l’école, en promettant d’« élever le niveau » et en tenant un discours d’autorité, il séduit à droite. Lundi soir, sur BFM-TV, le sarkozyste Brice Hortefeux reconnaissait ainsi volontiers qu’il était très apprécié au sein du parti Les Républicains (LR) : « C’est un homme qui vient de la gauche, mais il est vrai que ses paroles étaient fortes et ses actes espérés. »

Persuadé que les mouvements sociaux précèdent toujours les mouvements politiques, Gabriel Attal a, en outre, fait des classes moyennes son cœur de cible. Présenté alors qu’il était au budget, son « plan anti-fraude sociale », signal envoyé à ces « Français qui travaillent et ne supportent plus de financer un modèle permettant à d’autres de ne pas travailler », avait également plu à la droite, avec laquelle il va devoir s’entendre au Parlement s’il veut continuer à réformer. Depuis qu’il est ministre, il multiplie d’ailleurs les cafés avec des députés et des sénateurs LR, et entretient d’excellentes relations avec certains ténors de droite, comme le maire de Meaux (Seine-et-Marne), Jean-François Copé.

Contrairement à Edouard Philippe ou Gérald Darmanin, persuadés qu’en 2027 se reformera le clivage droite-gauche, Gabriel Attal croit à l’inverse que l’espace central, ouvert par Macron, survivra à ce dernier et il entend le préempter. En le nommant à Matignon, le président montre qu’il croit toujours au dépassement qui a fait sa force il y a six ans.

Un redoutable communicant

Redoutable communicant, Gabriel Attal est obsédé par son image, resserrant son nœud de cravate ou refermant d’un geste nerveux le bouton de son veston dès qu’il doit s’exprimer en public, comme s’il redoutait d’être pris en défaut de quelque manière que ce soit.

Ses rivaux le décrivent comme vide et mécanique, sans état d’âme. « Je suis sans tabou », avance l’intéressé, préférant le pragmatisme – selon lui, gage d’efficacité – aux grands principes. Aux régionales de 2021, il plaidait pour « réinventer » le front républicain contre le Rassemblement national, s’opposant à d’autres – issus comme lui de la gauche –, tels l’ancien ministre de l’intérieur Christophe Castaner, pour qui ce principe intangible ne devait jamais être contourné.

S’il a voté, à la présidentielle de 2007, pour la candidate socialiste Ségolène Royal, Gabriel Attal a admiré secrètement la campagne de Nicolas Sarkozy qui le « fascine » et avec lequel il a déjeuné, pour la première fois, à la rentrée scolaire 2023. « Parmi les politiques, il y a ceux qui sentent le pays et les autres », confiait-il au Monde, à l’été 2023. Le nouveau premier ministre est conscient aussi du déficit d’âme qui continue de hanter la Macronie : « Il faut parler davantage au cœur », répète celui qui se revendique à la fois de Jean-Pierre Chevènement et de Jack Lang ; le premier pour l’affirmation de la geste républicaine, le second pour son élégance, son savoir-faire et son faire savoir.

Elevé dans les beaux quartiers de Paris, Gabriel Attal est un ancien élève de la prestigieuse Ecole alsacienne, fréquentée par les familles privilégiées de Saint-Germain-des-Près. Sa mère, Marie de Couriss, issue d’une famille de Russes blancs d’Odessa, a élevé ses enfants dans la religion orthodoxe. Son père, Yves Attal, issu d’une famille juive tunisienne, était producteur de cinéma (Talons aiguilles, de Pedro Almodovar, en 1991, Beauté volée, de Bernardo Bertolucci, en 1996), avant de disparaître brutalement en 2015, à 66 ans.

Depuis son entrée au gouvernement, Gabriel Attal ne se sépare pas du bureau de son père, qu’il déménage de ministère en ministère. Tout comme il est accompagné par le même entourage politique, dont ses « quatre fantastiques » ou « power rangers », le quarteron formé par la directrice du cabinet, Fanny Anor, les chefs de cabinet, Maxime Cordier et Antoine Lesieur, et le conseiller en communication, Louis Jublin, qui devraient logiquement le suivre à Matignon.

En août 2023, dans l’avion qui le ramenait à Paris après un déplacement à La Réunion, Gabriel Attal, ministre de l’éducation depuis un mois, confiait son enthousiasme : « Tous les soirs, je me dis : “C’est extra ce qui t’arrive !” » Tout en étant conscient des dangers liés à la fulgurance. « Les gens sont hyper sympas, ajoutait-il alors qu’un passager de l’avion venait de lui réclamer un selfie. Quand ils viennent vous voir, comme ça, c’est tentant de s’imaginer un destin, de se mettre à y croire… Mais il faut faire la part des choses entre le soutien politique et le simple “vu à la télé”. Il ne faut pas se laisser griser. » Sans doute va-t-il devoir répéter souvent ce mantra dans les prochains mois.

https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/01/09/gabriel-attal-a-matignon-la-promotion-spectaculaire-d-un-fidele-du-chef-de-l-etat_6209862_823448.html

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