Européennes 2024 : vers une recomposition de l’arc politique en direction de l’extrême droite

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TRIBUNE. Pour Baptiste Fournier, le résultat du scrutin européen « pourrait engendrer un changement de paradigme » à même de « rebattre les cartes économiques et industrielles » à l’échelle du continent.

Par Baptiste Fournier, fondateur de Virtus*

Les partis d’extrême droite sont en passe d’incarner la deuxième force politique en Europe. © Chang Martin/SIPA / SIPA / Chang Martin/SIPA

Le 9 juin prochain au soir, les groupes ECR et ID pourraient représenter près de 170 des 720 sièges du Parlement européen, faisant de l’extrême droite la deuxième force politique du continent. Un résultat qui pourrait engendrer un changement de paradigme après des décennies de consensus des « partis de gouvernement » allant d’alliance de la droite aux écologistes. Alors que Strasbourg semblait jusque-là épargnée des mouvements à l’œuvre au sein des nations de l’Union européenne, les extrêmes droites se paieront même le luxe d’avoir des divergences internes. En effet, le groupe ECR, héritage politique européen du conservatisme britannique, défend l’entreprise, le soutien sans réserve à l’Ukraine, quand ID, d’inspiration populiste, affiche un positionnement plus étatiste et hostile à l’Otan.

Ces différences apparaissent désormais bien superficielles au regard de l’enjeu politique auquel elles font face. Marine Le Pen a récemment tendu la main à Giorgia Meloni pour la formation d’un groupe unique, que le Premier ministre hongrois Viktor Orban a récemment appelé de ses vœux dans la presse française. Le célèbre magazine britannique The Economist semble d’ailleurs l’avoir bien compris avant nous, identifiant dans sa dernière une les deux femmes, en compagnie d’Ursula von der Leyen, comme celles qui « façonneront l’Europe ». Le même The Economist qui avait représenté, au lendemain de sa victoire en 2017, un Emmanuel Macron marchant sur l’eau avec le sous-titre « Le sauveur de l’Europe ? », signe – s’il en fallait un de plus – du basculement potentiel à venir.

À lire aussi L’impossible union nationaliste en EuropeCette recomposition n’est pas le fruit du hasard, ni, comme on l’entend parfois, d’une réaction naturelle à soixante ans de démocratie libérale et de mondialisation sauvage. Elle est le résultat d’un travail de fond pensé et mené conjointement aux quatre coins du Vieux Continent par une extrême droite qui a retenu les leçons d’Antonio Gramsci. Ces « ingénieurs du chaos », selon l’expression de l’écrivain italien Giuliano da Empoli, ont œuvré, dans l’ombre et avec coordination, à cette révolution culturelle qui les conduit aujourd’hui aux portes du pouvoir. Si ce travail de fond est indéniable, il est aussi favorisé par une conjoncture géopolitique et socio-économique favorable à la doctrine huntingtonienne du choc des civilisations. Cette approche a permis de légitimer leurs discours en faisant des partis d’extrême droite les champions autoproclamés d’une Europe en péril et en déclin.

À lire aussi Les ultimes confidences de Patrick Buisson au « Point »Car cette bataille culturelle se joue désormais sur un terrain nouveau : les réseaux sociaux, à l’image d’un Jordan Bardella qui use et abuse de ses codes, à grands coups de compilations de punchlines habilement montées et propulsées en haut des tendances par les algorithmes de TikTok. L’extrême droite est devenue trendy. En Italie, Giorgia Meloni a fait de son gimmick identitaire « Sono una donna ! Sono una madre ! Sono cristiana ! » l’une des marques de son succès. En Allemagne, la jeunesse dorée danse en ce printemps sur le tube « Ausländer Raus » (littéralement, « Étrangers dehors »).

On essentialise, à tort, et certainement pour se rassurer, l’extrême droite comme eurosceptique. Elle a aussi lu Machiavel et sait être pragmatique au besoin en phase de conquête électorale. Ces extrêmes droites qui s’apprêtent à déferler sur l’Europe ont, dans ce cadre, intégré la nécessité de la coopération européenne, renouant au passage avec l’un de ses plus anciens fondements idéologiques. Elle entend faire de l’Union européenne un instrument de défense et de promotion de l’identité européenne et de sa civilisation en sortant de la contestation de principe pour peser sur le cours des choses. Cette volonté pourrait être satisfaite dès le lendemain de l’élection, puisque plusieurs voix qui comptent au PPE évoquent à mots couverts l’idée d’une alliance avec l’extrême droite.

À lire aussi Jordan Bardella, questions sur un championCette reconfiguration, peu y croyaient il y a encore un an, elle était pourtant prévisible et pourrait rebattre les cartes économiques et industrielles, notamment. Entre autres exemples, après une législature marquée par le Green Deal et son bataillon de normes, le mouvement de contestation agricole du début d’année a conduit Emmanuel Macron à appeler désormais à une « pause réglementaire européenne ». Carlos Tavares, le patron de Stellantis, s’inquiète déjà d’éventuels nouveaux revirements à propos de l’interdiction de vente des véhicules thermiques à partir de 2035. Et ça ne fait que commencer.

Industrie, énergie, défense, libre-échange… Tout pourrait être remis à plat. Plus que jamais, la et le politique font leur grand retour et demandent de mieux analyser et d’anticiper les forces à l’œuvre dans nos sociétés.

*Baptiste Fournier est le fondateur de Virtus, cabinet de conseil en communication.

Le Point

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