Toutes les négociations secrètes entre les États-Unis, l’Arabie saoudite et l’Iran concernant le détroit d’Ormuz passent dorénavant par la Suisse.
Depuis plus d’un quart de siècle et la chute du mur de Berlin, les diplomates suisses se morfondaient. La Russie et les Occidentaux ne se rencontrent plus discrètement entre la tour médiévale de Zytglogge et la fosse aux ours à Berne pour échanger sur la paix du monde. Mais le mystérieux sabotage de six navires à l’entrée du golfe Persique et la descente d’un drone américain par un missile iranien viennent de leur redonner du grain à moudre. La paix dans le détroit d’Ormuz, au centre du monde, se négocie dorénavant sur les bords de l’Aar.
Ueli Maurer, 68 ans, le premier président de la Confédération reçu officiellement à la Maison-Blanche en mai dernier, n’a sans doute pas été chaleureusement accueilli par Donald Trump en raison uniquement de ses opinions politiques. Il est membre de l’Union démocratique du centre (UDC), la formation la plus à droite de l’échiquier politique, très hostile aux étrangers. La Suisse représente les intérêts à la fois des États-Unis, de l’Arabie saoudite et du Canada en Iran. Et ce rôle pour les Américains irait au-delà de celui de simple « postier ».
Libération d’un pétrolier iranien
Ce nouveau job si prestigieux a apparemment poussé la Suisse à refuser « de se joindre à une déclaration du Conseil des droits de l’homme condamnant Riyad pour avoir emprisonné des femmes activistes et sommant Riyad d’enquêter sur l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi », souligne le quotidien Le Temps de Lausanne. Mais en contrepartie, la Confédération a permis que le pétrolier iranien Happiness One, contraint de relâcher dans le port saoudien de Djeddah en raison d’une panne de moteur en mai dernier, ait pu être « libéré » par l’Arabie saoudite il y a une dizaine de jours.
Par ailleurs, l’Arabie saoudite a accepté qu’un marin iranien soit évacué vers Oman pour des raisons médicales. La Suisse a ouvert une ambassade dans le sultanat, qui était intervenu pour renouer le contact entre Téhéran et Washington lors des premières négociations sur l’accord nucléaire, engagées par Barack Obama, le prédécesseur de Donald Trump à la Maison-Blanche. Bref, la sécurité du tiers du trafic pétrolier mondial (20 millions de barils de brut transitent chaque jour par le détroit d’Ormuz) dépend aussi de l’habileté, sinon de la maestria, de deux petits pays, la Suisse et Oman.
Une secrétaire d’État polyglotte
Aux commandes de la diplomatie helvétique dans le Golfe, Pascale Baeriswyl, 51 ans, diplômée de droit, d’histoire, de littérature française et de linguistique. La secrétaire d’État aux Affaires étrangères a été précédemment en poste à Hanoï, à Bruxelles et à New York. « Notre politique dans une région connue pour sa grande hospitalité et pour ses monarchies est toujours la même. Nous faisons preuve de respect envers nos interlocuteurs sans sacrifier nos valeurs basées sur le droit international », déclare dans la presse helvétique Pascale Baeriswyl. Cette polyglotte, qui s’exprime en allemand, en français, en anglais, en italien, en espagnol et en grec, sait aussi fort bien parler la langue de la diplomatie.