Algérie : « Avec le temps, il n’y aura plus de classe moyenne »

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 En ce début d’année 2018, les appréhensions des Algériens sont nombreuses face aux augmentations des taxes et des impôts, mais aussi à l’interdiction de l’importation de plus de 1 000 produits.
<p>Depuis près de trois ans maintenant, les Algériens font face à de nouvelles augmentations des prix de certains produits et prestations chaque 1er janvier. </p>

Depuis près de trois ans maintenant, les Algériens font face à de nouvelles augmentations des prix de certains produits et prestations chaque 1er janvier.

Dans la matinée de ce 1er janvier, Alger est écrasée de soleil. Dans les rues du centre-ville presque vides, quelques passants pressent le pas vers le marché ou vers les magasins ouverts en cette journée fériée. Une femme, la cinquantaine bien entamée, est interpellée par le staff d’une chaîne de télévision privée sur ses attentes pour la nouvelle année qui commence. Elle parle de ses espoirs mais surtout de ses appréhensions. « Avec le temps, il n’y aura plus de classe moyenne, il y aura des riches d’un côté et des pauvres de l’autre », prédit-elle.

Beaucoup d’Algériens partagent cette crainte. Réda et Mehdi ont ouvert Victoire, leur petit restaurant sur la place du marché Réda Houhou (Ex-Clauzel), en juillet dernier. Six mois plus tard, ils se posent de nombreuses questions sur leur avenir. « Nous avons bien travaillé le jour des élections locales. On a livré quelque dix mille plats à tous les bureaux de vote de la commune (Sidi M’hamed). C’est ce qui nous a sauvés pour 2017 », assure Réda. En six mois, lui et son associé ont eu à constater les changements induits par la dégradation de la situation économique du pays.

Une « loubia » et une baguette de pain

« Des ouvriers, des fonctionnaires et des cadres viennent déjeuner au restaurant. Ceux qui venaient tous les jours au début, viennent une fois tous les deux jours. D’autres se contentent d’une loubia [soupe de haricots blancs, NDLR] de 200 dinars [un peu plus d’un euros] et d’une baguette de pain. Ils ne peuvent plus se permettre autre chose », raconte ce gérant. Ce dernier a dû également revoir sa carte et supprimer certains plats qui ne sont plus demandés parce que trop chers. « Nous ne proposons plus les crevettes [plat à moins de dix euros], par exemple. Pourtant, le plat marchait bien au début », dit-il.

Les prix de tous les produits augmentent sur le marché. « Quand on a ouvert le restaurant, on faisait les courses – fruits, légumes et autres produits – avec 5 000 dinars [près de 38 euros] par jour. Aujourd’hui, on fait les mêmes achats avec 9 000 ou 10 000 dinars [près de 66 ou un peu plus de 73 euros]. Le 30 décembre, le kilo de sardines était à 800 dinars [près de 6 euros] », détaille-t-il. « Et personne ne comprend pourquoi toutes ces augmentations », lâche Mehdi. Ces augmentations devraient se poursuivre durant les prochains mois. Les propriétaires de ce petit restaurant le savent très bien.

« Le restaurant, c’était un plan B »

« On vous dit que seul le carburant va augmenter avec cette nouvelle loi de finances. Mais quand le prix du carburant augmente, le transport et beaucoup d’autres marchandises vont augmenter », estime Mehdi. La suspension d’importation de plus de 1 000 produits les inquiète aussi. « Vous voyez cette faïence. Elle est importée d’Espagne. Nous avons utilisé la faïence produite ici dans les toilettes. Allez jeter un coup d’œil. Vous constaterez immédiatement la différence. Il paraît qu’on va interdire aussi les fruits secs à l’importation. Comment feront les pâtissiers ? » se demande Réda.

Ce restaurateur a également une pâtisserie. « L’affaire ne marchait plus aussi bien. C’est pour ça que j’ai ouvert le restaurant. En Algérie, si on veut que ça marche, on ouvre un restaurant, un café ou on vend du lait », soutient -il. Son associé ne vient pas du secteur de la restauration. Mehdi était le directeur de la SPA Piaggio, société qui représente le producteur italien de motos et scooters. « Cela fait trois ans qu’on n’a pas pu importer de motos. Je me suis retiré du domaine de l’importation. J’ai récupéré ce local. Le restaurant était pour moi un plan B », affirme Mehdi.

« C’est ce qui se passait dans les années 1990 »

Même si le restaurant marche bien, Réda et Mehdi ne sont pas très optimistes. « On ne donne pas les agréments pour tous les concessionnaires, sauf pour leurs amis. C’est exactement ce qui se passait dans les années 1990. On est en train de revenir aux mêmes pratiques », lance Mehdi. Et d’ajouter : « Regardez sur la place du marché. Même les vendeurs à la sauvette qui ont été chassés sont de retour. Et en force. Comment pouvez-vous travailler dans votre magasin quand vous avez juste à côté un vendeur à la sauvette qui propose le même produit, mais beaucoup moins cher parce qu’il ne paie pas d’impôts ? »

Aujourd’hui, ce jeune homme regrette de ne pas s’être installé en France quand il en avait l’occasion. « Je suis parti juste après avoir obtenu mon diplôme en génie mécanique pour poursuivre mes études. Mais j’ai décidé de rentrer. Maintenant, à 35 ans, c’est compliqué », dit-il. Trop tard pour quitter et s’installer à l’étranger ? Même en étant marié et ayant cinq enfants, Réda ne le pense pas. « Moi, je le dis souvent à mes amis. Si ça continue comme ça, je prendrai ma femme et mes enfants et je partirai au Canada ou aux États-Unis », jure Réda. Pour lui, c’est une question de temps.

© AFP/Farouk Batiche
PAR AMAYAS ZMIRLI, À ALGER
 Le Point Afrique
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