Une pétition demande le retour des cendres de Napoléon III, qui reposent depuis près de 150 ans en Angleterre. Un combat loin d’être gagné.
Eugénie embauche des moines
Napoléon III est mort en effet en Angleterre en 1873, où il s’était exilé après la défaite de Sedan face aux Prussiens et la proclamation de la IIIe République. Son fils Louis, dit « Loulou », le suivra dans la tombe six ans plus tard, tué par des Zoulous en Afrique australe, alors qu’il avait intégré l’armée britannique. Pour veiller sur leurs âmes, l’impératrice Eugénie fait bâtir l’abbaye de Farnborough, tout proche de Londres, et y installe des moines de Solesmes, remplacés depuis par une communauté anglicane. On construisit un dôme au-dessus de la chapelle, pour rappeler celui des Invalides, et tout fut fait pour entretenir le souvenir napoléonien… « Devant cette petite église qu’elle a fait édifier, l’ex-impératrice fait planter une bouture du saule qui ombrageait la tombe de Napoléon Ier à Sainte-Hélène ainsi que des marrons ramassés dans le jardin des Tuileries », rappelle l’historienne Clémentine Portier-Kaltenbach, qui a mené une enquête fouillée sur les sépultures et reliques des grands personnages de notre histoire*. « De nombreuses démarches seront entreprises par la suite pour rapatrier en France les dépouilles du père et du fils, mais elles se heurteront systématiquement à l’opposition de politiciens français persistant à ne voir qu’en Napoléon III que le vaincu de Sedan… »
Bête noire des républicains
Il est vrai que la IIIe République préféra rapidement effacer des mémoires ce maudit Second Empire qui conduisit à la perte de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine… Pendant des générations, Napoléon III, bête noire des républicains, va traîner comme un boulet son surnom de Napoléon le Petit, que lui attribue Victor Hugo, son pire ennemi. Depuis, l’eau a coulé sous les ponts et plusieurs historiens ou politiques, dont Pierre Milza et Philippe Séguin, se sont efforcés de rétablir quelques vérités sur un règne qui fut loin d’être catastrophique. « On oublie un peu vite que le Second Empire fut une période d’intense développement pour la France, rappelle Dimitri Casali. Pour ne citer que quelques réussites : la modernisation rapide du pays, une prospérité économique formidable, l’apport de la Savoie, l’embellissement de Paris et des avancées sociales comme l’instauration du droit de grève… »
Un rapatriement est-il possible aujourd’hui ? Il faudrait déjà que les descendants de la famille impériale tombent d’accord et fassent officiellement la demande auprès du gouvernement français, sachant qu’il faudrait rapatrier les trois corps, Eugénie ayant toujours manifesté son souhait de reposer avec son époux et son fils. La France pourrait alors s’adresser aux autorités britanniques pour réclamer le retour des cendres de l’empereur. En 2007, Christian Estrosi, alors secrétaire d’État à l’Outre-Mer, avait tenté une démarche en ce sens, en vain. Seule une lettre officielle du président de la République permettrait aujourd’hui d’ouvrir des négociations sérieuses. Et l’on sait qu’Emmanuel Macron a bien d’autres préoccupations en tête pour aller réveiller une polémique autour d’un personnage resté clivant…
Le souci des Invalides
Dernière question, et pas des moindres : où inhumer les restes de cet encombrant empereur ? L’option des Invalides paraît délicate, car le fameux « Loulou » a porté l’uniforme britannique… Reste l’église Saint-Augustin, construite sous le Second Empire, et très liée à la famille impériale : c’est là que Napoléon III aurait souhaité reposer et c’est dans ces mêmes lieux qu’une messe est donnée chaque année en sa mémoire, selon une tradition initiée par l’impératrice elle-même. « Le transfert est faisable, estime l’historienne Clémentine Portier-Kaltenbach. Le trio a tout à fait sa place au bord de la Seine. Il n’y a pas d’urgence, mais pourquoi ne pas envisager un retour pour 2023, à l’occasion des 150 ans de la mort de Napoléon III ? On n’a pas forcément besoin de beaucoup de flonflons… Ce ne serait que justice pour un souverain dont le règne s’est achevé brutalement à Sedan, mais qui a marqué profondément l’histoire de France. »
*Histoires d’os et autres illustres abattis, par Clémentine Portier-Kaltenbach, éd. JC Lattès.