Les leaders mondiaux et l’attaque brutale contre Afrin la kurde

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The Guardian February 23 2018 – par David Graeber

Des militants islamistes – avec le soutien de l’armée turque – sèment le chaos dans une enclave de paix et de santé mentale dans la guerre syrienne.

La population d’Afrin a presque doublé durant le conflit, des centaines de milliers de personnes, en majorité des réfugiés arabes, sont venus y chercher abri auprès des sa population initiale, très majoritairement kurde.

Il y a trois ans de cela, le monde a regardé une bande de combattants et de combattantes dépenailléEs dans la ville syrienne de Kobanê, la plupart d’entre eux armés de rien d’autre qu’une Kalashnikov, tenir tête à une vaste armée de militants islamistes équipés de chars d’assaut, d’artillerie et bénéficiant d’une supériorité logistique écrasante. Les défenseurEs expliquaient avec insistance qu’ils/elles agissaient ainsi au nom d’un démocratie féministe révolutionnaire. Les combattants islamistes ont juré de les exterminer pour cette raison même. Lorsque les défenseurEs de Kobanê ont vaincu, leur victoire fut saluée comme étant ce qui, dans le monde contemporain, pouvait le mieux se rapprocher d’une confrontation évidente entre le bien et le mal.

Aujourd’hui, exactement la même chose se reproduit. Sauf que, cette fois-ci, les puissances mondiales prennent résolument parti pour les agresseurs.   Dans un revirement bizarre, ces agresseurs semblent être parvenus à convaincre les leaders mondiaux et les faiseurs d’opinion que les citoyens de Kobanê sont des “terroristes” parce qu’ils embrassent une version radicale de l’écologie, de la démocratie et des droits des femmes.

La région en cause, c’est Afrin, défendue par les mêmes combattants et combattantes des YPG et des YPJ (Unités de protection du peuple et unités de protection des femmes)   qui ont défendu Kobanê, et qui se sont ensuite révélés comme étant les seules forces en Syrie volontaires pour pousser la bataille jusqu’au cœur de l’état islamique, y perdant des milliers de combattantEs dans la bataille pour sa capitale, Raqqa.

Afrin, un îlot isolé de paix et de santé mentale dans la guerre civile syrienne, célèbre seulement pour la beauté de ses montagnes et ses champs d’oliviers.Sa population a presque doublé durant le conflit, des centaines de milliers de réfugiés, en majorité arabes, venant s’y mettre à l’abri auprès de sa population initiale, très majoritairement kurde.

En même temps, ses habitants avaient profité de leur paix et de leur stabilité pour développer les principes démocratiques embrassés à travers les régions kurdes du nord de la Syrie, connues sous le nom de Rojava. Les décision locales étaient dévolues à des assemblées de quartiers auxquelles tous pouvaient participer ; d’autres secteur du Rojava insistaient sur une stricte parité des genres, chaque fonction ayant des co-présidents, homme et et femme. A Afrin, les deux-tiers des postes publics sont détenus par des femmes.

Aujourd’hui, cette expérience démocratique fait l’objet d’une attaque de la part des milices islamistes, y compris des vétérans de Daech et de al-Qaida, et des membres des escadrons de la mort turcs tels que les tristement célèbres Loups gris, appuyés par les chars d’assaut turcs, des avions de chasse F16 et des hélicoptères mitrailleurs. Tout comme Daech avant eux, la nouvelle force semble déterminée à violer les normes de conduite, lançant des attaques au napalm contre des villageois, attaquant les barrages – et même, tout comme Daech, faisant sauter des monuments archéologiques irremplaçables. Recep Tayyip Erdoğan, le président de la Turquie, a annoncé, “Nous visons à rendre Afrin à ses propriétaires légitimes”, une menace à peine voilée de nettoyage ethnique des habitants kurdes de la région. Et pas plus tard qu’aujourd’hui, il est apparu qu’un convoi en direction d’Afrin qui transportait de la nourriture et des médicaments a été attaqué à l’obus par les forces turques.

Jusqu’à cette date, les YPG et les YPJ semblent avoir résisté à l’envahisseur de façon remarquable. Mais ils l’ont fait sans soutien, même moral,  d’une seule des grandes puissances mondiales. Même les Etats-Unis, dont la présence des forces empêche la Turquie d’envahir ces territoires dans l’est où les forces des YPG et des YPJ combattent toujours Daech, ont refusé de lever le petit doigt pour la défense d’Afrin. Le secrétaire aux affaires étrangères de la Grande Bretagne, Boris Johnson, est allé jusqu’à insister sur le fait que “la Turquie a le droit de vouloir préserver la sécurité de ses frontières” – en appliquant cette logique, il n’aurait aucune objection à ce que la France prenne le contrôle du Pas-de-Calais.

Le résultat est bizarre. Des leaders occidentaux condamnent sévèrement les régimes du Moyen-Orient pour leur absence de démocratie et de respect pour les droits des femmes – et, se servant même de ce prétexte, comme le fit dans un discours célèbre George W Bush à l’encontre des talibans – semblent avoir décidé dorénavant que trop aspirer dans la direction contraire est une justification suffisante à une attaque.

Pour comprendre comment cela a pu se passer, il faut remonter aux années ’90, lorsque la Turquie a été aux prises avec une guerre civile avec le bras armé du Parti des travailleurs du Kurdistan, (ou PKK), qui était à l’époque une organisation marxiste-léniniste réclamant un état distinct pour les kurdes. Savoir si le PKK ne fut jamais une organisation terroriste, dans l’acceptation de ce terme qui implique bombardement de marchés et autres actions de ce genre, demeure matière à débat. Mais il ne fait aucun doute qu’une guerre de guerilla est sanglante et que des choses terribles se sont produites des deux côtés. Vers le tournant du millénaire, le PKK a abandonné son exigence d’un état distinct. Il a appelé à un cessez-le-feu unilatéral, faisant pression pour la tenue de pourparlers de paix, négociant à la fois une autonomie régionale pour les kurdes, et une démocratisation plus large de la société turque.

Cette transformation affecta le mouvement de libération kurde à travers le Moyen-Orient. Ceux qui s’inspiraient du leader emprisonné du mouvement, Abdullah Öcalan, se mirent à faire appel à une décentralisation radicale du pouvoir et à s’opposer au nationalisme ethnique de toutes sortes.

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Le gouvernement turc répondit par une campagne intensive de lobbying pour faire désigner le PKK en tant qu’ “organisation terroriste” (elle n’avait jamais été auparavant sur cette liste). Il y parvint en 2001 et le PKK fut placé sur la “liste des organisations terroristes” de l’Union européenne, des Etats-Unis et des Nations unies.

Jamais auparavant une telle décision n’a causé pareil dégat sur des perspectives de paix. Elle a permis au gouvernement turc de mettre en état d’arrestation des milliers d’activistes, de journalistes, d’élus kurdes – y compris le leadership du deuxième plus large parti d’opposition du pays – tous accusés de sympathies “terroristes” et ce, quasiment en l’absence de toute protestation de la part de l’Europe ou de l’Amérique. Dorénavant, la Turquie a plus de journalistes emprisonnés que tout autre pays.

La désignation a créé une situation de folie orwellienne, permettant au gouvernement turc de verser des millions à des sociétés occidentales de relations publiques pour salir comme étant un “terroriste” quiconque réclame de meilleurs droits civils. Maintenant, dans une absurdité ultime, elle a permis aux gouvernements mondiaux de rester les bras croisés pendant que la Turquie lance une attaque gratuite sur l’un des derniers coins paisible de la Syrie – bien que le seul lien réel qu’ait son peuple avec le PKK est son enthousiasme pour la philosophie de son leader emprisonné, Öcalan. On ne peut le nier – comme les progagandistes turcs ne cessent de le souligner – que les portraits et les livres d’Öcalan sont courants ici. Mais l’ironie veut que la philosophie en cause constitue une adhésion à la démocratie directe, à l’écologie et à une version radicale de l’émancipation des femmes.

Les extrémistes religieux qui entourent le gouvernement turc actuel savent très bien que le Rojava ne constitue pas une menace militaire. Il les menace en fournissant une vision alternative de ce que pourrait être la vie dans la région. Par-dessus tout, ils considèrent essentiel d’envoyer le message aux femmes à travers le Moyen-Orient que, si elles se soulèvent pour leurs droits, et si de plus elles se soulèvent en armes, le résultat le plus probable sera qu’elles seront mutilées et tuées, et qu’aucune des grandes puissances n’y trouvera à redire.

Il y a un mot pour décrire une telle stratégie. Cela s’appelle du “terrorisme” – un effort calculé pour causer de la terreur. La question est de savoir pourquoi le reste du monde y collabore?

David Graeber est professeur d’anthropologie au London School of Economics et l’auteur de La dette: les premiers 5000 ans.
Il a été impliqué dans le mouvement pour la justice mondiale et le mouvement Occupons Wall Street.

Les leaders mondiaux et l’attaque brutale contre Afrin la kurde

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