Bercy réclame 850 millions d’euros d’économies à la Défense. Le général Pierre de Villiers a fait savoir ce qu’il en pensait, avant d’être recadré par le président.
Le général Pierre de Villiers ne décolère pas. Furibond contre le train d’économies imposé à la défense, le chef d’état-major des armées a fait trembler les murs de l’Assemblée nationale lors d’une réunion avec des députés jeudi 13 juillet. Le gradé, auditionné la veille devant la commission de la Défense au Palais-Bourbon, a tapé du poing sur la table, expliquant à qui voulait l’entendre que l’armée avait « tout donné » et jugeant que la situation n’est « pas tenable ». « Je ne vais pas me faire baiser comme cela », a-t-il joliment ajouté, selon plusieurs participants cités par l’Agence France-Presse.
Devant les élus, le général connu pour son franc-parler a argué du fait que, faute de moyens, l’armée française devait régulièrement annuler des opérations après parfois des mois de recherche sur le terrain. « J’ai entendu et vu un homme très en colère. […] Il était remonté contre les coupes budgétaires et considère qu’elles ne permettront pas à nos armées de fonctionner comme il se doit », se rappelle le député socialiste Luc Carvounas. « C’est tout à fait exceptionnel qu’un chef d’état-major dise des choses pareilles », renchérit Jean-Christophe Lagarde, précisant que le général avait été applaudi après son intervention, « sur tous les bancs ». Le général a appelé à un effort sensible et rapide au plan budgétaire, disant en substance que l’objectif, fixé par Emmanuel Macron, d’atteindre « 2 % du PIB en 2025, c’est sympa, mais qu’il faut agir dès 2017 et 2018 », a rapporté Jean-Christophe Lagarde. Le chef d’état-major a appelé à une augmentation minimum de 2 milliards d’euros chaque année avec une loi de programmation militaire votée avant le 14 juillet 2018 pour 2019-2025, toujours selon ce participant.
850 millions d’économies
En 2014, Pierre de Villiers avait mis sa démission dans la balance, avec les chefs d’état-major des trois armées (air, terre et mer), devant la perspective de coupes budgétaires. Ministre de la Défense à l’époque, Jean-Yves Le Drian avait alors pris fait et cause pour ses troupes. Le gouvernement d’Édouard Philippe a détaillé ces mesures d’économies mercredi au moment même où le général de Villiers était officiellement reconduit dans ses fonctions pour un an. Les armées vont devoir assumer en 2017 le surcoût des opérations extérieures (850 millions d’euros), jusqu’ici réparti entre les autres ministères au nom de l’effort collectif de défense. Concrètement, leur budget restera en apparence inchangé par rapport à celui voté par le Parlement en 2016 (32,7 milliards d’euros). Mais elles auront 850 millions de crédits en moins pour leurs programmes d’équipements.
Plus tard dans la journée, Emmanuel Macron a sèchement répliqué. « Je considère qu’il n’est pas digne d’étaler certains débats sur la place publique », a-t-il dit devant la communauté militaire. « J’ai pris des engagements. Je suis votre chef. Les engagements que je prends devant nos concitoyens et devant les armées, je sais les tenir », a-t-il dit. « Et je n’ai à cet égard besoin de nulle pression et de nul commentaire », a-t-il ajouté. « Un effort a été demandé pour cette année à tous les ministères, y compris le ministère des Armées », a souligné le chef de l’État. « Il était légitime, il était faisable sans attenter en rien à la sécurité de nos troupes, à nos commandes militaires et à la situation telle qu’elle est aujourd’hui », a-t-il dit.
Opération Sentinelle
Le président Emmanuel Macron a par ailleurs annoncé jeudi que l’opération Sentinelle allait être « revue en profondeur » afin de gagner en « efficacité ». « Nous proposerons à l’automne une nouvelle doctrine d’intervention qui permettra de revenir en profondeur sur l’organisation de Sentinelle afin d’avoir une plus grande efficacité opérationnelle et de prendre en compte l’effectivité et l’évolution de la menace », a-t-il dit devant la communauté militaire à la veille du 14 juillet.
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